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De la Perse au Pamir



Derniers jours en Iran

De retour à Téhéran après notre break sans vélo, nous nous affairons à aller récupérer notre visa Turkmène, qui n'est qu'un simple visa de transit de 5 jours à dates fixes, mieux vaut donc ne pas se louper sur les dates demandées. Vu que nous avons prévu de prendre le train pour traverser ce pays désertique, les 5 jours sont suffisants mais pour ceux préférant traverser les 600km de désert à vélo, c'est court ! Nous sommes heureux que notre demande ait été acceptée car c'est un peu la loterie ce visa, depuis lors, plusieurs de nos amis cyclistes se le sont vus refuser sans aucune explication bien sûr. Sans ce visa il n'y a que deux autres solutions : prendre l'avion directement pour l'Ouzbékistan ou retourner en Azerbaïdjan prendre le ferry pour traverser la mer Caspienne jusqu'à Aktau au Kazakstan puis traverser le désert sur 800km. Nous pouvons donc être du 17 au 21 juin sur le territoire.

Ce 1er visa en poche, nous filons à l'ambassade de Chine. Nous arrivons tant bien que mal à obtenir le visa chinois avec des conditions nous convenant, à savoir : 3 mois de validité avant d'entrer dans le pays et 60 jours sur place. Là encore c'est un peu la loterie sur ce qu'on va bien vouloir nous concéder en fonction de la personne sur qui on tombe, de si la personne est bien lunée, de s'il fait beau ou non, etc. Le dossier pour le visa chinois est une vaste blague : il faut un itinéraire complet, des réservations d'hôtels, les avions aller-retour.. ce qui est impossible à fournir pour des voyageurs à vélo, donc chacun y va de son dossier bidon à grand renfort de réservations Booking sans paiement ou de billets d'avions remboursables voire factices... le pire c'est qu'ils ont l'air totalement au courant de la supercherie et en rigole mais bureaucratie procédurière oblige il faut que le dossier soit conforme !

L'aventure de Bob nous aura rajouté quelques sueurs froides mais au bout du compte nous sommes fin prêts pour prendre le train ce mercredi 13 juin au matin après une nouvelle traversée de Téhéran mais cette fois dans le sens de la descente et avant l'heure de pointe.

Nous avions préparé le terrain pour le train avec le tandem en achetant notre billet directement à la gare et en allant demander si c'était « OK ». Nous avons eu l'approbation d'un manager de la gare et nous montons avec Georges (démonté) dans le train sans payer de supplément malgré les remontrances du personnel du train. On est dans le dernier wagon et Georges est contre la porte arrière du train, il ne gêne donc pas trop les voyageurs et a une belle vue sur les rails. En route pour 12h de train, une belle façon de traverser cette zone désertique de l'Iran, et avec la clim en plus (on s'embourgeoise après ces 3 semaines de répit !).

Le train arrive à 22h à Mashhad, ville la plus sainte d'Iran car elle héberge le mausolée de l'Imam Reza, un des 12 imams successeurs d'Ali (gendre de Mahomet et 1er imam). En ce week-end de fin de Ramadan, de très nombreux croyants s'y rendent et la dame partageant kupe (compartiment pour 4) avec nous et son fils nous dit que nous aurons du mal à trouver un hôtel. Étonnamment nous ne sommes pas vraiment inquiets, est-ce le métier qui rentre ? Elle parle assez peu anglais mais elle est vraiment sympathique avec nous et la voilà qui passe la moitié de son trajet à passer des coups de téléphones pour nous trouver un lieu ou dormir. Juste avant d'arriver (avec 2h de retard), elle nous convie dans la maison de sa famille, une chambre a été libérée pour nous.


Après avoir remonté le tandem dans l'obscurité du quai de la gare, nous voilà partis pour traverser la grande ville de Mashhad de nuit ! Il y a beaucoup de monde en cette veille de week-end mais ça se passe bien et nous retrouvons facilement notre hôte du jour.

Ce sera notre première expérience de famille iranienne très croyante, ça nous change. Les femmes portent toutes le tchador (long manteau, en général noir mais parfois plus clair type « j'ai-piqué-un-rideau-chez-mamie ») et le portrait des jumeaux K&K trône dans la chambre qui nous est affectée. Je me retrouve à partager le dîner avec uniquement des femmes, ce qui est presque surprenant dans une famille très croyante. De nouveau, on nous accueille comme des rois. Au matin, une partie des hommes sont arrivés pour ce grand rassemblement familial et en ce dernier jour de ramadan ils déjeunent tout de même avec nous, de toute façon la plupart ayant voyagé la veille, ils avaient déjà arrêter de jeûner. Nous passons un agréable moment et nous les quittons « bénis » : ils lancent un bol d'eau sur la route à notre départ.

Avant de partir, nous nous devons tout de même de faire un saut au lieu de toutes les attentions: le mausolée de l'Imam Reza. C'est compliqué pour Clarisse de rentrer car il lui faut un tchador (ben oui, c'est un lieu saint, faudrait pas qu'on voit un millimètre de peau féminine) et en plus on doit mettre le tandem au parking. J'y vais donc seul, le site est immense et grouille de pèlerins, on sent la ferveur des croyants qui se bousculent pour toucher le très saint reliquaire et murmurer quelques mots au défunt Imam qui, étant proche de Dieu, pourra lui passer le message directement et avec plus de poids qui si le croyant s'adresse directement à Dieu dans une mosquée. Comme dans tous les lieux saints musulmans, on se doit de retirer ses chaussures, ce qui confère au mausolée un parfum entre l'eau de rose et l'odeur de pieds, c'est assez curieux.

Nous avons trois jours pour nous rendre à la frontière du Turkménistan, il y a environ 200km dont 140km de plat sur une sorte d'autoroute pour rejoindre Quchan, ça ne nous enchante guère. Nous mettons bien 30 km à quitter la ville mais ça reste urbanisé, heureusement nous trouvons l'ancienne route ce qui nous permet d'éviter l'autoroute sur 70 km, c'est déjà ça !

A Chinaran, nous nous désaltérons d'une belle pastèque à l'ombre dans un rond point à côté des papex locaux qui jouent au backgammon. Nous traversons la ville après avoir fait quelques emplettes pour notre bivouac du soir lorsqu'une personne à moto avec sa femme en passager (tout de noir vêtue), nous interpelle : « are you German ? », « No French! », quelques mètres plus loin, il s'arrête : « Do you know where to sleep tonight ? » , « We will camp after the town », « Come to my place, and today it is the beginning of football Worldcup !». Et bien allons-y !


Kazem et sa femme (qui est une cousine, comme d'hab) habitent dans une petit logement qu'ils ont acquis il y a peu, ils se sont fait un petit potager d'herbes aromatiques et tomates, ça nous plaît. L'intérieur est très modeste si ce n'est que la cuisine est très équipée. Ils s'excusent de ne pas avoir de meubles. La femme de Kazem lui a d'ailleurs reproché de nous avoir invité alors qu'ils n'ont rien pour nous faire dormir « décemment ». Nous les rassurons en leur disant que c'est 4 étoiles par rapport à une nuit sous la tente ! Kazem est aussi très croyant et ils nous expliquera de nombreux points sur l'histoire des 12 Imams chiites et sur Mahomet. Comme souvent les croyants reçoivent d'autant mieux le voyageur : c'est dans les préceptes du Coran. Il a appris l'anglais à l'école mais aussi en regardant la télé et il est heureux de parler avec des étrangers, rares dans cette petite ville du bout de l'Iran. Sa femme nous régale (oui comme toujours c'est elle qui s'y colle !) et nous passons une nuit reposante dans ce petit foyer. Ce sont les premières iraniens typés asiatiques que nous rencontrons, nous nous rapprochons de l'Asie !

Nous arrivons à Quchan en début d'après-midi après nos pénibles 70km d'autoroute avec, fort heureusement, le vent dans le dos. Nous prenons une chambre dans ce qui est, à priori, le seul hôtel de la ville, c'est vraiment pas terrible mais ça fera le job. Nous avons envie de bien dormir et puis ils nous restent des rials à dépenser. Nous sortons manger et malgré ce mois en Iran, il nous est toujours impossible de lire un menu en farsi... la tenancière nous liste ce qu'elle a : « kubile kebab » retient mon attention, au moins ça je sais ce que c'est, banco. L'Iran gagne son 1er match de la Coupe du Monde et on attendra les klaxons jusque tard dans la nuit, le soleil se levant très tôt, la nuit sera courte mais tout de même reposante.

Nous démarrons à la fraîche notre dernière journée iranienne, nous nous dirigeons plein nord, direction le poste frontière de Bajgiran. La route passe un petit col juste avant lequel un apiculteur s'arrête près de nous et nous offre de quoi manger et un pot de miel. Quelle chance ! Le paysage de montagnes ocres avec quelques zones vertes ça et là le long des cours d'eau est superbe.

Après une longue pause à l'ombre d'un arbre, nous empruntons un canyon qui est en fait le lieu de rendez-vous de tous les habitants de Quchan pour le weekend (nous sommes samedi mais c'est un jour férié), nous comprenons par là-même pourquoi nous avons vu autant de véhicules nous doubler : il y a un monde fou. On les comprend, c'est vraiment un beau coin et il fait frais. On sort de la gorge pour une dernière petite ascension avant un tunnel bien éclairé, nous sommes fatigués, il est tant de s'arrêter. A la sortie du tunnel, on tombe sur une superbe plateau d'altitude entouré de montagnes herbeuses. Les troupeaux paissent dans cette immensité verte. On observe le complexe servant de poste frontière à quelques kilomètres de nous ; au-delà, la montagne s'arrête et commence le désert. Lieu idéal pour notre dernier soir en Iran et nos retrouvailles avec le bivouac. Nous sommes à 2000m, il fait donc frais et il n'y a pas un chat si ce n'est les quelques bergers rameutant leurs troupeaux en cette fin de journée. La nuit tombe, la lune et Vénus trônent côte à côte dans le ciel dégagé. On aperçoit au loin au nord, les lueurs provenant d'Ashgabat que nous rejoindrons le lendemain.


Dure reprise des nuits en pleine nature, on dort mal, nous allons devoir nous réhabituer. Au lever du jour, le coin est toujours aussi beau et nous croisons les bergers repartant dans les pâturages. Nous passons Bajgiran qui est nichée dans un trou du plateau et après un dernier paquet de Digestive (biscuits nappés de chocolat noir, nous ayant accompagnés presque tous les jours de notre périple iranien), nous grimpons vers la frontière.

Turkménistan

Nous troquons les portraits des jumeaux (K&K) pour le portrait d'un autre dictateur... Nous entrons dans l'ancien bloc soviétique. L'entrée au Turkménistan nous prend un peu de temps entre paiement de la taxe d'entrée, attente inexpliquée puis scan et fouille de nos bagages... juste pour le principe. Les 15km suivants la frontière sont une zone militaire et nous devons donc obligatoirement prendre un bus. Nous n'avons pas le temps de dire « ouf » que d'autres personnes ayant passé la frontière en même temps que nous chargent Georges et Bob à bord du bus. Ils prennent beaucoup de place, « heureusement que le bus est vide », nous nous disons... Mais ça c'était avant qu'il ne passe par le supermarché duty free de la frontière où un flot, de femmes principalement, monte à bord. Le bus est donc bondé d'un coup. On se demande s'ils vont arrêter de monter alors qu'il n'y a déjà plus de place. Cela nous donne l'occasion de découvrir tout de suite le code vestimentaire des femmes turkmènes : foulard sur les cheveux (à la façon d'un serre-tête assez couvrant), robes longues aux motifs très colorés et avec un col brodé. On est plus proche de l'habit des femmes subsahariennes que de celles du pays voisin.

A la sortie de la zone militaire tout le monde descend du bus et nous pouvons continuer à vélo. La route est très bonne et déserte, nous passons une sorte de grande porte signifiant comme l'entrée de ce pays méconnu. L'entrée dans Ashgabat se fait par une route toute neuve et déserte ne présentant pas moins de huit voies ! D'habitude on rechigne à prendre les grands axes mais là, on ne va pas se gêner. Nous descendons tranquillement vers le centre-ville, il fait de plus en plus chaud. Nous commençons à voir les premiers immeubles de marbres blancs qui font la notoriété de la ville : elle est au Guiness Book des records pour avoir la plus grande concentration de bâtiments en marbre blanc du monde. La plupart ont été construits par Bouygues et payés en pétrodollars.


Tout paraît rangé, propre, neuf et blanc, même les quelques véhicules que nous voyons sont blancs ! On est sur une autre planète après l'Iran et son bordel ambiant. Nous passons un immense stade avec un toit en forme de tête de cheval. Il fait parti d'une sorte de complexe « Olympique » parcouru par un métro aérien (à priori le pays a accueilli récemment les jeux asiatiques). Nous faisons halte à l'ombre dans le parc de la Révolution où trône un grand monument blanc et or. Nous ne voyons quasi personne, ce qui nous arrange pour faire une sieste et fuir la chaleur étouffante.

Nous continuons notre découverte de cette ville où la démesure est totale, une sorte de Las Vegas de l'Asie Centrale : le palais présidentiel est coiffé d'immenses dômes dorés, les ministères et les facultés ressemblent à des temples grecs. Le pays doit ceci à son dictateur précédent Saparmyrat Nyyazow, autoproclamé « Turkmenbachi » (le chef des turkmènes). Depuis la chute de l'URSS jusqu'à sa mort, le pays était totalement fermé par ce dirigeant narcissique et autoritaire qui avait notamment interdit la musique dans les voitures et renommé les mois de l'année avec des prénoms de sa famille. Il considérait que le pays n'avait pas d'identité alors il a voulu le faire à son image et a instauré un fort culte de la personnalité. A cette époque, le seul manuel scolaire autorisé était un livre écrit par lui-même, le Ruhnama, épopée nationale mélangeant histoire révisionniste et ligne de conduite morale qu'il considérait être à l'égal de la Bible ou du Coran (si peu !). Le nouveau président est un poil plus ouvert d'esprit mais ce n'est pas encore l'idéal démocratique.

Je vous invite à faire un tour sur Wikipedia pour en savoir plus sur ce personnage totalement surréaliste.

Notre but étant de traverser le pays en train, nous nous rendons à la gare. Il y a un monde fou : c'est le jour de départ des jeunes à l'armée. Je trouve un guichet où la jeune femme parle anglais, c'est mieux car j'ai pas mal de questions : nous voulons nous rendre à Dasoguz de l'autre côté du pays en nous arrêtant 24h à Içoguz, au milieu du désert pour nous rendre à Darvaza, voir une des curiosités du pays, un cratère de gaz en feu ; et tout ça avec le tandem.

Il y a une gare pour Darvaza (Içoguz) mais l'unique train quotidien Ashgabat-Dasoguz s'y arrête à 01h du matin. On peut acheter un billet pour la 1ère partie du trajet mais pas pour la deuxième (ça n'existe pas). On devra donc payer un billet pour le trajet complet pour notre 2e train... tant pis. Pas de problème pour le vélo dans le wagon à bagages, tout semble donc réglé. Le train du jour est complet, on devra donc rester une nuit dans la capitale turkmène. Les hôtels sont globalement très chers, mais grâce aux forums sur internet on trouve un hôtel un peu miteux mais dans notre budget (pour 20$ tout de même). Ça ira bien pour une nuit et il y a la clim c'est déjà ça. Nous partons à la découverte de la ville à pieds. Si on était téléportés ici, il serait impossible de se localiser dans le monde, il y a de tout : des blonds caucasiens, des typés asiatiques, certains aux yeux clairs. Superbe métissage issu de l'histoire de la région qui a vu passer autant les Grecs d'Alexandre le Grand que les Mongols de Genghis Khan ou les soviétiques. Nous sommes au cœur de la route de la soie. Les femmes sont d'ailleurs particulièrement jolies au Turkménistan, elles ont en général les cheveux très longs et leur longue robe traditionnelle cintrée, en soie ou velours, les met en valeur (l'opposé total du tchador iranien). Nous nous faisons plaisir en mangeant un burger et buvant une vraie bière sur la terrasse du théâtre avec de la musique plein les oreilles, comme un air de retour dans nos pays occidentaux. Nous fêtons par là-même nos 5000 km, franchis juste avant la frontière Turkmène !

Avant de prendre le train nous profitons de nouveau des parcs déserts de la ville, les seules personnes que nous y croisons sont les agents d'entretien, qui sont relativement nombreux. On prend soin de ces écrins de verdure. Nous sommes vraiment hallucinés de voir autant de bassins, de fontaines et de parcs parfaitement verts alors que nous sommes à la porte du désert, clairement la riche capitale n'économise pas l'eau, ressource pourtant cruciale dans ce coin du globe.

Nous embarquons le tandem dans le wagon-bagages moyennant bakchich au milieu du mobilier et des divers encombrants transportés vers l'autre bout du pays. Il est 19h30 et notre train s'élance à travers le désert du Karakorum. Nous n'avons que quelques heures de sommeil devant nous mais vu que nous avons pris un kupe pour nous seuls, nous nous couchons tout de suite. Le confort n'est pas celui des trains iraniens, surtout dû aux rails pas vraiment planes. Le contrôleur vient nous réveiller juste avant que le train ne s'arrête à Içoguz. Il est 1h du matin et nous sommes au milieu de nulle part. Le train en sens inverse est lui aussi arrêté en même temps dans la gare. Nous nous précipitons vers le wagon-bagages pour récupérer le tandem et tambourinons à la porte pour que le commis nous ouvre, la tronche enfarinée. Au départ le quai était à niveau du train mais là nous devons descendre le tandem d'environ 1m80 sur les voies, pratique. Nous allons vers la gare qui est envahie de sauterelles gigantesques et où dorment à même le sol quelques personnes. Un employé de la gare, Nuri, vient nous parler et nous offre le thé. Nous restons avec lui plus d'une heure tandis que son chef nous ignore copieusement, clairement notre présence le dérange. 3H30 nous partons à vélo dans la nuit direction le cratère de Darvaza dont la lueur est visible à l'horizon. Nous retrouvons la route principale Ashgabat-Konye après 2km puis avançons encore un peu sur la piste repérée sur internet avant que celle-ci ne devienne trop sablonneuse. Nous cachons Georges et Bob dans la dune et attaquons à pied les 7km nous séparant du cratère, à la lueur de nos frontales. Nous avions lu qu'il pouvait y avoir scorpions et araignées d'où le nom de code de la mission : « Araignées du désert ». A notre grand regret (ou presque) nous n'en verrons pas.

Nous atteignons le cratère avant le lever du jour, c'est le meilleur moment pour en profiter. C'est un trou béant dans le sol d'où s'échappe du gaz, il est le résultat d'un forage russe qui a mal tourné. Pour éviter les émanations, ils y ont mis le feu, pensant que la poche de gaz se viderait en quelques semaines, cela fait plus de 45 ans que ça brûle... vive le gâchis ! Mettant de côté nos considérations écologiques, nous profitons de la vue sur ce réchaud géant et les couleurs du lever du jour. Quelques tentes sont montées non loin du cratère, rares touristes venus tout comme nous admirer ce consternant spectacle.


Nous rebroussons chemin avant que le soleil ne soit trop haut pour éviter la chaleur. Le paysage désertique que nous n'avions pas vu à l'aller s'offre à nos yeux. Nous apercevons même un couple de dromadaires sauvages. Nous récupérons nos compères pas trop ensablés et après un rapide tour vers un autre cratère moins impressionnant, nous retournons à la gare pour attendre notre train. Il est 9h, nous avons donc 16h à tuer. Nous les passerons à lire, à dormir, à observer les va-et-vient des employés de la gare et à compter les innombrables wagons des quelques trains de marchandises (globalement des cailloux ou du pétrole) s'arrêtant dans la gare. Le plus intriguant étant la vérification des roues des trains par le personnel de la gare : ils remontent tout le train en tapant sur les moyeux, il en résulte une sorte de rythme métallique presque mélodique.

Au moins, la gare nous procure de l'ombre et nous tournons autour tout au long de la journée en évitant le soleil, nous sommes entre le lézard et le tournesol.

01h, le train arrive, branle-bas de combat ! Nous nous pressons de réveiller le cheminot du wagon-bagages, vu que personne ne monte dans cette gare, il ne s'attend pas à voir 2 étrangers avec un tandem, sa tête en dit long mais quelques dollars lui permettent de mieux digérer ce réveil forcé. Puis nous nous pressons vers notre wagon lit, nous sommes sur la 2e voie et le train en sens inverse, situé lui sur la voie 1, démarre. Nous voilà donc sur les voies entre deux trains dont un en mouvement, ambiance ! On se croirait dans un film. Le « stewart » de notre wagon est réveillé et nous accompagne à notre kupe d'où il vire les deux personnes qui y dormaient. Mission réussie ! Nous allons pouvoir dormir jusque 8h du matin et notre arrivée à la frontière Ouzbek.

Dasoguz, terminus ! Tout le monde descend. Nous sommes presque reposés et nous repartons à vélo direction le poste frontière où nous quitterons ce curieux pays avec un jour d'avance sur la durée autorisée. Nous sommes satisfaits car nous avons pu voir ce que nous voulions sans misérer à vélo dans le désert.

Sortir du pays est tout aussi folklorique que d'y rentrer, des militaires prépubères nous accueillent et nous font poireauter, puis passage au scanner des bagages, je suis obligé d'insister sur le fait que le tandem ne tient pas dans la machine. Les douaniers nous demande si nous avons de la drogue (non, toujours pas) et si nous avons acheté des tapis turkmènes (ben oui, et ils sont cachés dans le vélo...). Finalement on nous souhaite un bon voyage avec le sourire.

Ouzbékistan

L'entrée dans le pays voisin que nous redoutions quelque peu d'après nos lectures se passe comme une lettre à la poste à grand renfort de « Welcome to Uzbekistan ». Les passages de frontières des anciennes républiques soviétiques tendent à se simplifier alors qu'on risquait auparavant de se retrouver face à des douaniers un peu zélés auxquels il valait mieux cacher ses liquidités.

Direction la ville historique de Khiva pour notre première escale ouzbèke. Nous sommes surpris par la végétation arborant la route, nous pensions que la région était plutôt désertique. En fait, nous sommes dans une oasis irriguée par les eaux de l'Amou-Darya, eaux qui n'atteignent désormais plus feu la mer d'Aral. La route est donc bordée d'arbres fruitiers : abricotiers, pruniers... c'est l'opulence de fruits. On nous hèle, nous klaxonne... les habitants sont définitivement très enthousiastes à la vue de voyageurs à vélos, ça fait plaisir. Nous retrouvons d'ailleurs un pays où le vélo est un véritable moyen de transport, surtout emprunté par les personnes assez âgées ou les enfants.


A Shovot, nous nous arrêtons pour changer de l'argent et acheter de quoi manger. A peine le pied à terre que des personnes viennent nous voir, dont un jeune parlant anglais. Il nous aide donc à changer de l'argent : je me retrouve avec un liasse de billets de 1000 soms et je n'ai changé que 10 dollars ! Je profite de son aide pour acheter une carte sim locale puis je retrouve Clarisse qui est entourée d'une dizaine de personnes la questionnant. On ne passe pas inaperçus. Elle fait un tour au marché accompagné de notre jeune ami et revient avec tout ce qu'il faut pour un pique-nique bien mérité. Nous nous excusons auprès de la troupe joviale mais quelque peu étouffante et reprenons notre route pour trouver un jardin au calme un peu plus loin. Nous pouvons observer tout de suite les différences des visages ouzbèkes, allant du type caucasien au type asiatique, ainsi que leurs tenues vestimentaires : les hommes portant un général un petit chapeau rond (type kipa juive) ou un autre un peu plus au de forme et plat sur le dessus. Les dents plaquées-or sont de rigueur dans ce coin du globe.


La route pour Khiva sera éprouvante car il fait déjà très chaud et elle est totalement défoncée : bitume marbré, nids de poules, accotements en terre cabossés... avec un trafic assez dense. Notre découverte des routes ouzbèkes est à la hauteur de ce qu'on nous en avait dit, ça promet. Nous ne sommes pas fâchés d'arriver et trouvons facilement une guesthouse à l'intérieur des murs de la vielle ville car la haute période touristique est terminée. Nous sautons dans la douche et la couleur de l'eau nous rappelle que cette dernière nous avait fait défaut ces derniers jours.

La vieille ville de Khiva, toute faite de terre et de torchis est très bien conservée. On peut y voir d'impressionnants minarets dont le minaret Kalta Minor tout vêtu de céramique bleu-vert. La ville historique est très touristique et fait un peu « musée » à ciel ouvert (et donc manque de vie) mais elle est magnifique. Le soleil couchant accentue la couleur ocre des bâtiments et nous en profitons pour faire une agréable balade dans ses ruelles désertes ou presque. Quel plaisir encore une fois d'être là après la saison ! Pour l'anecdote, Khiva est la ville de natale du mathématicien Muhammad Ibn Musa al-Khorezmi (Khorezm étant le nom de la région dont Khiva était la capitale), al-Khorezmi a donné le mot français « algorithme » et c'est à ce brillant mathématicien du VIIIe siècle que nous devons aussi l'algèbre (mot issu du titre d'un livre qu'il a écrit).

Nous choisissons de repartir dès le lendemain matin car il fait gris et c'est l'occasion rêvée pour pédaler en évitant les grosses chaleurs. De toute façon, nous avons fait le tour de la ville la veille et ayant passé un mois à visiter des monuments en Iran, cela nous suffit. Nous achetons presque pour la première fois de l'eau pour remplir nos gourdes, nous n'avons pas vraiment confiance dans l'eau du coin. Elle semble polluée et on sait que non loin d'ici de nombreux champs de coton sont malheureusement arrosés de pesticides. Avant de partir de Khiva nous achetons des billets de train pour rejoindre directement Boukhara depuis Urgench, 30 km plus au nord. Ce qui nous permet une nouvelle fois d'éviter 600km de désert, de plus Tony nous a prévenu que la route était vraiment pourrie et que le vent de face n'arrangeait rien au tableau.

La route pour Urgench est en super bon état pour le coup et nous en sommes ravis. Nous nous faisons doubler par de nombreux mini-vans qui ressemblent à des voitures japonaises, logique car ils sont fabriqués par Daewoo en Ouzbékistan. C'est le véhicule que nous voyons le plus : taxis partagés, utilitaires... à croire que tout le monde a le sien. Nous filons rapidement vers notre destination lorsque la roue de Bob se détache et la remorque traîne sur le bitume le temps que nous nous arrêtions ! La roue fait son chemin vers le milieu de la route alors que deux camions arrivent ! Grosse frayeur mais nous la récupérons en état. Il faut qu'on fasse mieux réparer les pattes de fixation de la roue car elles ne sont pas tout à fait droites et cela empêche de bien la serrer...

Nous n'avons pas pu avoir de place pour le train du jour donc nous avons une journée devant nous, l'Amou-Darya, appelé Oxus sous l'Antiquité, n'est qu'à une vingtaine de kilomètres plus au nord. Voulant voir cet important fleuve, nous décidons d'aller y camper et y tuer le temps. Nous passons de très nombreux canaux qui irriguent les champs avec l'eau du fleuve ; vu leur nombre, pas étonnant que la mer d'Aral ne soit plus alimentée (elle a reculée de plus de 250km...). Des enfants se baignent dans certains canaux malgré la couleur de l'eau pas très attirante.


Quelques kilomètres avant d'arriver, nous sentons le pneu arrière chasser : notre première crevaison en 5000km ! Nous arrivons à regonfler le pneu pour finir le trajet jusqu'à la rive du fleuve. L'eau est de couleur marron tout comme les canaux mais finalement ce n'est guère surprenant vu la poussière ambiante. Des personnes se baignent, d'autres pêchent, elle doit donc être relativement propre. A peine arrivés qu'une famille installée pour son pique-nique dominical nous fait signe de venir, nous leur faisons comprendre que nous réparons d'abord le vélo. Ils viennent alors vers nous et nous commençons à discuter en pseudo-russe (nous ne connaissons toujours que quelques mots). Mirrasol a une ferme avec une quarantaine de dromadaires (« Vermouloute » en russe, ça on le sait maintenant) d'où il tire du lait qu'il vend à l'export notamment. Il nous invite à venir voir sa ferme, on lui montre le vélo, il nous mime qu'on peut le monter dans le camion avec lequel ils sont venus.


C'est d'accord ! Ils plient bagages sur le champ et à peine la crevaison réparée, Georges et Bob sont chargés dans le camion (ma sangle me sera de nouveau bien utile). Nous voilà donc reparti en sens inverse tout juste 30 min après être arrivés mais bon j'ai vu le fleuve et ça me va. Nous montons dans la voiture de Mirrasol avec sa sœur et son beau-frère : c'est une Chevrolet récente. Les autres membres de la famille montent dans une Logan (mais ici de marque Lada). Il allume le poste et nous met... Joe Dassin ! Il adore ! On se marre. De retour à Urgench, ils s'arrêtent faire des provisions pour le repas sans que nous puissions bien sûr payer quoi que ce soit et nous repartons pour encore 15km vers l'ouest.

Arrivés à la ferme, on nous présente les dromadaires puis on nous affecte une chambre dans un petit bâtiment où, semble-t-il, sont hébergées les femmes travaillant sur la ferme. Nous ne comprenons pas tout de suite qui sont ces femmes, famille ou non... c'est tout le problème de ne pas parler la langue, on rate une bonne partie des informations qu'on nous donne, mais ça laisse la place à l'imagination !


Nous passons une sympathique soirée avec tout ce beau monde puis Mirrasol décide de nous emmener faire un tour sur ton scooter-tricycle électrique chinois. Nous ne savons pas où ils nous amène (le problème de la langue again...) mais nous voilà partie sur une petite route où il zigzague tant bien que mal entre les nids de poule à la faible lumière de son phare. Comme la situation n'est pas assez ubuesque, il en rajoute une couche en nous remettant un peu Joe Dassin sur son téléphone (« et maintenant un peu de musique avec [Joe Dassin], oh non pas lui ! »). Moment inédit.

Nous dormons sur nos deux oreilles jusqu'au matin où un énergumène entre dans la chambre, l'air bien alcoolisé. Il nous demande de l'argent en russe, je réussie à le mettre dehors et je le vois se faire raccompagner hors de l'enceinte de la ferme par le personnel. « Mais c'était qui celui-là ? »

Lorsque Mirrasol arrive nous comprenons qu'il n'avait rien à voir avec le lieu et qu'ils ont appelé la police pour venir le cueillir (et probablement le faire décuver).

On nous offre un copieux petit déjeuner puis je pars avec notre hôte pour trouver une solution pour mieux redresser la fixation de la roue de Bob. Il m'amène dans un des innombrables garages auto de la ville qui possède un étau, il donne quelques soms ouzbeks aux ouvriers nous ayant aidé et lorsque je cherche à lui rendre il me montre le ciel du doigt... « Allah me le rendra » semble-t-il me dire.

C'est le moment de nous quitter, nous sommes comblés par l'accueil de cet homme rencontré la veille et avec qui nous avons seulement pu discuter via Google Traduction mais qui nous aura tant offert.

Les gares ouzbèkes sont aussi sécurisées que des aéroports : portiques et scan des bagages puis vérifications des passeports et billets avant d'accéder au bâtiment. Pratique avec le vélo... Un train arrive à quai, ils listent les arrêts et nous n'entendons pas Boukhara. Au bout de 20min, je me demande si ce n'est pas notre train tout de même... je demande, c'est bien lui, damn ! Il ne nous reste que 10min pour mettre le tandem dans le wagon-bagages et rejoindre nos sièges. Nous courons vers le bout du train et interpellons la personne s'occupant du wagon. Il nous dit impossible pour le tandem. « Comment ça impossible ?! ». Il nous parle de coupon, on ne nous a rien dit concernant le transport d'un bagage, nous insistons. Il persiste à nous dire que c'est plein et donc pas possible, « mais nous devons prendre ce train ! ». Il sourit et monte dans le wagon pour nous prouver ses dires. Il ouvre la double porte depuis l'intérieur et là, stupeur, le sol du wagon est intégralement recouvert d’œufs empaquetés !! Improbable. Il reste uniquement 1m de disponible autour de la porte et une minuscule allée pour circuler dans la wagon. Une personne de la gare intervient et nous autorise à mettre le tandem... encore va-t-il falloir trouver comment. Ils déplacent quelques piles de boites d’œufs façon taquin pour agrandir l'espace devant la porte. Georges rentre pile poil. Je laisse ma sangle au chef de wagon et file avec Bob rejoindre Clarisse à notre wagon, heureusement non loin de là. Bob est remisé dans le couloir devant la porte. Quelques minutes plus tard le train démarre, ouf !


Nous sommes cette fois en plankzart et non en kupe : c'est à dire en wagon ouvert mais avec toujours des couchettes convertibles. Il fait 38° et le train est bondé. Hormis la chaleur, c'est vraiment plaisant de partager ce moment de vie locale. Le train va de Shovot à Tachkent. Il traverse donc tout le pays en une vingtaine d'heures, la plupart des gens font la traversée complète.

Tout comme au Turkménistan chaque couchette a son futon, son oreiller et l'agent distribue un set de draps propres par personne, c'est tout à fait confortable. Nous traversons le désert du Kyzyl-koum dont nous pouvons largement apprécier la platitude, la taille et la beauté.

Nous atteignons Boukhara 8h plus tard, à 23h. Nous avons réservé une guesthouse pour ce premier soir dans la ville, ce que nous ne savions pas en revanche c'est que la gare se situe à 15km du centre ville, c'est donc parti pour une nouvelle épopée de nuit dans une grande ville de l'Asie Centrale. Le début de la route est large et éclairé mais ensuite nous nous retrouvons sur une sorte de grand périphérique non éclairé, heureusement peu emprunté à cette heure. On nous klaxonne ou nous hurle par la fenêtre tout de même pour nous souhaiter la bienvenue, décidément ils sont vraiment à fond.

Avant d'arriver à la Guesthouse, deuxième crevaison ! Ce n'était pas le moment ! Nous finissons à pieds le kilomètre restant et nous nous effondrons dans notre chambre de cinq lits pour nous tout seuls.


Nous passons la matinée dans la Guesthouse à discuter avec un couple de backpackers et moi à réparer une nouvelle fois la roue. Il fait très chaud en journée et nous sommes bien à l'ombre du patio de cette vielle bâtisse. Très bon moment de détente, ça fait du bien de rien faire ! Nous attendons des nouvelles de Rakhima, seule hôte warmshowers de Boukhara que nous avons contacté. Nous partons dans l'après-midi découvrir le centre de cette ville mythique de la route de la soie. Nous traînons sur la place Libya-Hauz, forte agréable avec ses magnifiques madrassas (écoles coraniques historiques) et son bassin. Coin idéal pour boire un petit coup... on fait les touristes conventionnels.

Rakhima nous a répondu et nous nous rendons donc chez elle, un peu à l'extérieur du centre. Elle est professeure d'anglais, ainsi que sa sœur, donc elles le parlent plutôt bien. Elle héberge de nombreux warmshowers et reçoit même des pièces de vélo pour certains. Nous plantons la tente dans le jardin de la modeste maison familiale, la salle de bain est totalement folklorique et faite de bric et de broc mais il y a l'eau courante. Clairement, ils ne roulent pas sur l'or mais elle est heureuse de recevoir des étrangers (mais ce n'est pas tout à fait un accueil gratuit... nous le comprendrons par la suite). Toute la famille habite dans le quartier : ses parents, ses sœurs... nous verrons passer beaucoup de monde sans toujours comprendre qui ils sont. Son père est un beau papy souriant et à l’œil malicieux. Dommage que nous ne parlions pas russe nous aurions adoré discuter avec lui.

Nous restons deux soirs chez elle car nous avons envie de traîner dans cette ville qui nous est très agréable. Un peu de repos ne fait pas de mal.

La première mission du jour est de faire réparer mon téléphone qui ne charge plus. Nous avons de la chance Samsung a pignon sur rue en Ouzbékistan et nous croisons bien une vingtaine de magasins de la marque, on nous oriente vers le centre de services de la ville. Un jeune ouzbèke typé asiatique un peu geek (que nous avons intelligemment nommé Docteur Samsung) nous dit pas de problème, pour 20$ dans 1h c'est fait. Nous tenons le siège devant le magasin en attendant.


Nous repassons ensuite par la place Lybia-Hauz pour y laisser le vélo sous bonne garde des papex jouant aux dominos sur une sorte de grande estrade en bois recouverte d'un tapis. Trois personnes attablées autour d'un café nous interpelles : Roberto et Marita, couple italo-australien ayant quitté l'Angleterre il y a 2 ans pour se rendre en Australie (arrivée prévu en 2020) et Jean-Philippe, 100% pur Basque d'Anglet. Tous trois sont cyclistes et sont arrivés par le désert que nous avons franchis en train. Nous prenons place et resterons 2h durant à discuter itinéraire, vécu, politique iranienne... Roberto et Marita ont passé 6 mois à Ispahan où, étant professeur d'Université, il a donné un cours d'entrepreneuriat social. Avec un tel vécu, il nous en apprendra encore plus sur l'Iran. Jean-Philippe quand à lui est parti à peu près en même temps que nous du sud-ouest de la France mais il n'a pris quasi aucun transport, c'est un peu un « capbourut » à faire genre 150km/jour, une machine quoi.

Très bon moment et très belle rencontre avec ce beau monde qui se prolongera par un déjeuner tardif au restaurant. Nous finissons tout de même par nous balader dans le centre historique de la ville pour admirer notamment son minaret de 47m, le plus haut d'Asie Centrale à l'époque de sa construction. Sans pour autant vraiment visiter les monuments (nous avons eu notre dose en Iran) mais cela nous permet tout de même d'apprécier l'ambiance de la ville. Il y a très peu de touristes en cette période et la ville est extrêmement calme, c'est agréable.

Ce soir nous cuisinons une ratatouille pour notre hôte, nous avons une forte envie de légumes. Ici le régime c'est plutôt brochettes (shashliks) et riz pilaf baignant dans l'huile (plov). Rakhima apprécie puis je l'aide avec un test d'anglais qu'elle doit passer sur le net du genre TOEFL (tout en lui expliquant que le vrai test ne posera pas les mêmes questions que la version gratuite, à son grand désarroi...).

Les gens ne dorment pas en Asie Centrale ! C'est ce que nous nous disons lorsque nous sommes réveillés à 5h30 du matin alors que nous sommes allés nous coucher vers minuit. Le soleil se lève avant 5h et il fait chaud à 8h donc les gens profitent des heures fraîches. Par contre dans la chaleur de l'après-midi c'est le grand calme, à l'instar des villes andalouses.

Dernier jour à Boukhara, nous avons décidé de ne partir qu'en fin de journée, après les heures chaudes et d'aller camper à 40km de la ville au bord de ce qui semble être un lac sur nos cartes. En attendant rien de mieux à faire que de retourner glander sur notre cher place Libya-Hauz, à boire un café glacé en écrivant un peu de blog à l'ombre. Nous retombons sur nos trois amis de la veille qui sont dans le même état de flemme que nous sauf qu'eux ils sont plus ou moins malade suite à leur traversée du désert. Nous ça va... pourvu que ça dure. Les nouvelles du Tadjikistan dispensées par notre Tony national ne sont guère réjouissantes : tout le monde y tombe malade !

Nous allons boire un thé avec Mario déjà rencontré à Ispahan qui a traversé le désert du Turkménistan à vélo avec Laura et Benoît, un couple de Vendéens. Ces derniers parlent esperanto et se font régulièrement hébergé via le réseau paseportaservo, warmshowers pour esperantistes et ils sont nombreux ! Sympathiques retrouvailles mais ils sont vraiment éreintés de leur course contre la montre turkmène (visa de 5j) que Mario qualifiera de stupide.

Au moment de partir nous rencontrons Bernard et Fafa, un couple de jeunes retraités Béarnais bourlingueurs voyageant en 4x4 direction le Kirghizistan. C'est la série des rencontres de français du sud-ouest pour le plus grand bonheur de Clarisse. Nous partons donc plus tard que prévu mais vent dans le dos direction le lac Todakol. La route est totalement défoncée sur les premiers kilomètres mais elle s'arrange bien ensuite à l'approche du lac. Nous croisons pas de voiture repartant de ce plan d'eau prisé des habitants de Boukhara. Il s'est naturellement formé lorsque les eaux du Zaravshan, fleuve affluent de l'Amou-Darya courant du Tadjikistan jusque Boukhara, ont débordé et ont rempli une dépression dans le désert. Du coup le paysage est totalement asymétrique de part et d'autre de la route : côté lac verdoyant, côté sud totalement désertique. Avec le soleil couchant qui vire au rose, c'est superbe. Nous arrivons sur la plage avant la nuit, c'est malheureusement un vrai dépotoir : nous retrouvons la bonne habitude turque du pique-nique en laissant tout derrière soit (serait-ce un trait de caractère des peuples ayant sédentarisés en Turquie et en Ouzbékistan qui ont de proches origines ? Les langues de ces deux pays sont d'ailleurs très proches).

Qui dit lac, dit eau stagnante, dit moustiques... nous nous faisons bouffer ! Nous installons au plus vite la toile moustiquaire de la tente pour nous y réfugier.

Debouts dès le lever du soleil car nous avons 80km de désert à parcourir avant Navoiy que nous visons comme étape du jour. Nous préférons donc avancer au maximum à la fraîche. La route est en excellent état et il n'y a personne, ça nous change ! Nous avançons donc rapidement avec toujours le désert d'un côté et la verdure due au lac de l'autre. A 8h30, il commence à faire chaud et le vent se lève... forcément il vient de l'Est et nous l'avons de face. A 9h30, il fait carrément chaud et les 30km de ligne droite en faux plat montant avec le vent qui forci sont interminables. On peine à 10km/h. Nos réserves d'eaux se réchauffent malgré la chaussette mouillée autour de la bouteille (qui a donc sécher) et surtout s'amenuisent. Nous arrivons tant bien que mal à bout de notre chemin de croix et nous bifurquons pour gravir la colline nous séparant de la ville. A notre grand désarroi le vent vient désormais du Nord ! (Après avoir discuter avec d'autres cyclistes nous avons tous le même sentiment, peu importe la direction tu as TOUJOURS le vent dans la gueule dans le désert, #ventdanslagueulistan).


Du haut de la colline nous apercevons la verte vallée du Zaravshan que suit la route principale Boukhara-Samarcande. C'est une zone peuplée sur tout son long : le reste du pays étant principalement désertique. C'est aussi la zone industrielle du pays et nous comprenons pourquoi nous voyions depuis le désert une sorte de nuage de pollution dans cette direction : trafic routier et usines. Rejoindre le centre-ville nous prend un temps fou et nous arrivons totalement assoiffés. Nous cherchons un hôtel et atterrissons dans ce qui a dû être un grand hôtel avec restaurant : le bâtiment en plein centre de la ville fait bien 6 étages et il doit y avoir une centaine de chambres. Il est totalement défraîchi et nous le pensions même fermé, mais non il a été racheté récemment et est en pleine réfaction. Quelques chambres non refaites sont accessibles et nous voici du coup dans une immense chambre plutôt classe mais où la salle de bain héberge une belle colonie de blattes. Sieste bien méritée après notre petite traversée du désert, au moins on l'a vu mais ça nous suffit ! Le soir nous trouvons une guinguette en plein air où nous mangeons une énorme shashlik de poulet et un somsa (samossa) tout en regardant le match France-Danemark. Comme nous avons pu le constater à divers endroit du pays, ils arrosent la terrasse à grande eau (pour rafraîchir l'atmosphère), ils font de même avec la route devant certains magasins. On voit qu'ils n'économisent absolument pas cette ressource pourtant si nécessaire, encore une fois pas surprenant que la mer d'Aral soit vidée ! Autre point que nous avons pu constater, ils n'arrosent pas les plantes, ils les inondent ! Après l'arrosage les champs et les plates-bandes sont de véritables marres et les plantes baignent dans l'eau... vraiment pas optimum.

Pour la suite de la route vers Samarcande nous n'avons d'autre choix que d'emprunter la grande route, 2 fois 2 voies mais avec une bande latérale assez large. Pas mal de circulation de véhicules mal entretenus ou fonctionnant au gaz (les stations de Méthane ou Propane sont presque plus courantes que celles de benzene), donc ça pu et ça fume. Nous partageons la route avec les locaux circulant à vélo, les automobilistes démarrant sans regarder des tchaïkanas de bord de route, et les taxi partagés mini-vans dont la spécialité et de nous doubler pour piler devant nous et prendre ou déposer des passagers... (on appelle ça la queue de poisson ouzbèke). Nous nous arrêtons pour la pause thé et une personne vient nous parler dans un anglais impeccable. Il est ouzbèke mais a vécu aux Etats-Unis, il nous dit qu'il s'occupe de projets de coopération avec l'Union Européenne autour de l'agriculture et vu que nous sommes français il nous dit « I have been to Poisy, close to Annecy », nous sommes sur le cul drôle de coïncidence. Le lycée agricole de Poisy semble être connu ! Il risque d'y retourner l'an prochain et nous contactera.

Nous faisons à halte à Katta-Kurgan pour nous reposer à l'ombre d'un parc où gisent des manèges abandonnés. Impossible d'être tranquilles, comme nous avons pu le constater depuis le début du pays. L'enthousiasme et la curiosité de la population, bien qu'agréable au début, commence à nous peser avec la fatigue. L'adage de Tony : « tu verras au bout d'un mois ils sont assez collants » se vérifie. Nous saturons complètement des injections « Atkuda ? » hurlés depuis les voitures, les trottoirs, les devantures de maison... qu signifient « d'où venez-vous ? » ou encore de leur manie de nous siffler pour attirer notre attention (nous ne sommes pas des chiens merde !). Pour autant très souvent les rencontres sont en fait agréables voir drôles lorsqu'on leur dit que notre vélo est une limousine ou que nous expliquons notre voyage : leur réaction est toujours « Maladèce » (ce que nous traduisions pour rigoler par « Vous êtes malades ! » mais qui signifie « Bravo ou génial »).

On fini par nous déloger de l'herbe du parc, car il est interdit de s'y mettre, vu l'état nous ne l'aurions pas cru. La personne qui nous aborde est le nouveau gestionnaire du parc, il nous convie à dormir chez lui mais nous préférons le calme d'un bivouac au une soirée à s'exprimer difficilement en russe.


Nous nous éloignons de la ville par des petits chemins qui nous amène à traverser une voie ferrée. La campagne est belle en cette fin de journée. L'Ouzbékistan est un pays très rural, dès que nous sortons des villes nous nous en rendons compte. Cette ruralité fait qu'une grande partie de la population travaille dans les champs jusqu'au coucher du soleil : nous les voyons faucher, ramasser à la main... Du coup il est compliqué de trouver un lieu pour bivouaquer à l'abri des regards (déjà qu'il n'est pas simple de trouver un endroit pour pisser tranquillement...!). Nous y arriverons tout de même et nous passons une bonne nuit sans être dérangés.

Dernière journée pour rejoindre Samarcande, de nouveau nous partons tôt pour éviter les grosses chaleurs. Nous retrouvons un grand axe après avoir coupé dans les petites routes en terre des champs. Nous sommes poussiéreux tous les quatre. La route jouent aux montagnes russes qui n'en finissent pas, ça nous épuise. Comme si ça ne suffisait pas, nous crevons une nouvelle fois ! Notre excursion dans les champs n'a pas été vraiment bénéfique : une belle épine était planté dans le pneu arrière. Nous réparons au bord de la route. Une personne vendant de la viande dans sa cabane vient voir ce qu'il se passe et m'offre de l'eau pour me laver les mains et au bout de melon. Bien que parfois un peu trop curieux ils sont toujours bien intentionnés.

A la mi-journée nous nous arrêtons manger notre casse-croute à côté d'un restaurant puis nous allons y boire un thé. Clarisse jette un œil à ce qui se cuisine et nous voilà avec une assiette de plov et une assiette de salade, offerts par la maison. Impossible de refuser donc nous mangeons une deuxième fois. Nous ne paierons même pas le thé malgré notre insistance... générosité quand tu nous tiens.

Nous continuons notre route vers Samarcande, vent dans le dos pour une fois ! La route est plus plane et nous filons à 30km/h poussé par Éole. Jusqu'à ce que nous crevions de nouveau ! Non mais sérieux c'est une malédiction ou quoi ?! La rustine du matin a mal collé. Nous voilà de nouveau entrain de réparer la roue avec quelques spectateurs comme toujours. Je les impressionne en disant qu'il faut mettre 5 bars de pression (forcément avec leurs voitures aux pneus à moitiés dégonflés, ils doivent jamais dépasser 1 bar...).

Nous atteignons enfin Samarcande et les dômes du Registan et du Mausolée de Tamerlan. Ambiance milles et une nuits garantie. Nous déposons nos affaires dans un petit hôtel où nous sommes presque seuls et nous partons visiter les trois madrassahs du Registan datant du XVIe siècle. Nous ne restons que 24h dans la ville, malgré son importance historique : elle existait déjà à l'époque grecque du nom de Maracanda puis fut une des plus grandes villes de la route de la soie et un des plus importants centre du commerce mondial avant de devenir la capitale de Tamerlan (Timur Lang) au XIVe siècle. Avec Boukhara elles appartiennent à l'ancienne région nommée Sogdiane, qui aura été conquise à de nombreuses reprises au fil du temps : par les troupes d'Alexandre le Grand (300 av JC), les Sassanides, les Huns, les Kökturcs, les Tang (chinois), les Omeyyades (apportant l'Islam), les Seljoukides, les Mongols de Gengis Khan (1200 après JC), les Timourides... et parfois totalement rasée puis reconstruite. Il est probable que le papier se soit diffusé en Occident depuis Samarcande.

L'histoire de cette région, si importante dans le développement du monde moderne, est fascinante mais nous est pourtant assez peu enseignée sur nos bancs d'école.

Mario, Benoît et Laura arrive le lendemain matin et nous les retrouvons avant notre habituel départ de fin de journée (ça nous plaît bien comme timing, le matin nous n'arrivons pas à partir tôt dans un hôtel). Nous avons rendez-vous au Registan et nous y retrouvons par la même occasion Jean-Philippe, Bernard et Fafa et aussi Thomas un cycliste allemand invétéré. Joli rassemblement de voyageurs autour d'un verre devant les magnifiques monuments.


Nous prenons le départ malgré ces rencontres qui invitent à prolonger la discussion. Nous avons prévu d'aller dormir près de la frontière pour la franchir tôt le lendemain. Nous avons 40km à faire et la sortie de Samarcande est chaotique : route en mauvais état, trafic chargé de minivans, voitures avec un volume de bagages sur le toit plus gros que le véhicule, camions. Pour changer on nous klaxonne, nous prends en photo ou nous interpelle à grand coup de « Atkuda » par la fenêtre de la voiture en nous collant beaucoup trop... Ca nous épuise rapidement. Nous nous extirpons de la zone urbaine de la ville et le trafic se raréfie mais la route est toujours aussi pourrie. L'ambiance de fin de journée avec le soleil rasant et les très nombreuses personnes travaillant encore dans les champs est grandiose. Nous nous rapprochons des montagnes du Tadjikistan mais nous sommes encore dans la verte vallée du Zaravchan. Nous bifurquons à droite avant la frontière pour aller dormir près du fleuve,,le soleil passe l'horizon,les gens rentrent des champs, il y a foule. On nous rappelle une dizaine de fois que la frontière tadjik n'est pas par là (merci on avait remarqué).

Nous arrivons à un village où une sorte de poste militaire avec barrière bloque l'accès. Avec nos trois mots de russe nous ne comprenons pas si nous pouvons passer ou non. Nous expliquons que nous cherchons un endroit pour planter la tente (« palatka », « nochti »). Le militaire arrête une voiture pleine de jeunes adultes passant la barrière en sens inverse, l'un d'eux nous dit « Come to my home » (ce sont presque les seuls mots d'anglais qu'il connaît). Vu que la nuit commence à tomber j'accepte et nous suivons donc la voiture sur 10km d'où nous venons...


Nous atterrissons dans une grande maison avec un jardin touffu de végétation : arbres fruitiers, vigne, fraises, tomates... Timur, 22 ans, qui rentrait simplement de se baigner avec ses amis,nous accueille comme à l'habitude, en grande pompe. On nous sert à manger, de nombreuses personnes passent nous voir : grands-mères, cousines, sœurs, neveux... une jeune fille parlant anglais nous dira seulement « we are relatives ». Encore une fois nous ne comprendrons pas tout, mais ça fait parti du jeu. Nous n'avons d'ailleurs pas tout à fait compris ce que Timur fait dans la vie : il travaille à Tachkent comme agent à l'aéroport mais manage aussi le stade, une pharmacie et un magasin de sa petite ville. La maison où nous sommes a de très grandes pièces totalement vides, nous pensons avoir compris qu'il s'agit de la maison de ses parents mais qu'ils n'y habitent plus. Ce qui nous marque le plus c'est que la maison n'a pas l'eau courante, jusque-là toutes les maisons où nous sommes allé l'avait. Il n'y a donc ni évier dans la cuisine, ni salle de bain.

Les WC sont réduits à un simple trou dans la dalle en béton d'une cabane au fond du jardin (Francis si tu nous lis). Autant vous dire qu'ils ne connaissent pas l'utilisation de la sciure de bois comme dans les toilettes sèches de nos contrées.

Nous passons une très bonne nuit et nous faisons de nouveau nourrir au petit-déjeuner, nous repartons presque avec un pot de l'excellente confiture de fraise de la babouchka de Timur mais il est un peu gros pour nos sacoches.

Il est tant de quitter notre hôte improvisé, encore une rencontre inattendue qui nous aura comblé pour ce dernier soir en Ouzbékistan, sorte de rappel de notre arrivée dans le pays et notre rencontre avec Mirrasol . Nous nous souviendrons de l'accueil des Ouzbèkes, comme nous nous souviendront de leurs routes défoncées et de leur insistance à savoir d'où nous venons.

Juste avant la frontière nous croisons une cycliste chinoise étudiant en Angleterre, elle revient du Pamir, nous y allons. Echange de cartes SIM et de nos restes de monnaies locales. Nous passons la frontière une nouvelle fois beaucoup plus simplement que nous l'imaginions. Cette frontière a été fermée de nombreuses années et n'est rouverte que depuis cette année, nous sommes heureux d'en profiter. Le portrait des deux présidents se serrant la pince orne les bâtiments.


Tadjikistan

Nous entrons au Tadjikistan ce 30 juin. Nous avons un visa de 45 jours, ce qui nous laisse normalement le temps de traverser tout le pays par les montagnes et la Pamir Highway direction le Kirghizistan. Mais avant d'atteindre cette route prisée des cyclotouristes du monde entier, nous avons 600km de préchauffe avec quelques cols hors catégorie.

Nous continuons notre remontée du Zaravchan (que nous suivons donc quasiment depuis Boukhara). La large vallée de la rivière est nichée entre deux massifs montagneux. Il n'y a pas de grand changement avec la région depuis Samarcande, la frontière est totalement artificielle, rien ne la démarque naturellement, Samarcande et Boukhara et l'Est du Tadjikistan moderne étaient dans l'Emirat de Boukhara jusqu'à la première guerre mondiale.

Il y a tout de même une réelle différence pour nous depuis notre changement de pays : la route est excellente ! Et en plus il n'y a personne. Comme ça fait du bien ! Nous apprendrons que la vallée est très riche grâce à une forte abondance de minerais (notamment lapis-lazuli et or).


Nous allons jusque Penjakent, ville particulièrement enjouée de retrouver une frontière ouverte avec sa voisine Samarcande (située à peine à 60km). Nous changeons quelques dollars en somonis (pas de liasse de billets, ça change), puis reprenons notre route vers Dushanbé.

Le fleuve est parfois encaissé dans une gorge, parfois étalé comme dans un delta. Les paysages sont superbes et les montagnes y ajoutent du cachet. Certaines culminent à plus de 5000m et sont encore enneigées, pas étonnant qu'il y ait un tel débit dans la rivière.

Nous sommes marqués par le nombre d'enfants que nous croisons, ils sont tous à jouer au bord de la route, de 3 ans à 15 ans. Quand nous passons certains se précipitent sur la route pour nous claquer dans la main, c'est marrant au début mais un peu dangereux lorsque nous arrivons lancés. En tout cas nous sommes de nouveau dans un pays où la population est enthousiaste à nous voir. Les papys nous saluent avec des « salams allek », les femmes nous sourient timidement et les enfants même au plus jeune âge nous gratifie d'un « hello ».

A Vota nous cherchons où dormir mais deux jeunes ados à vélo sont bien décidé à nous observer jusqu'à ce que nous partions. Parfait pour se pauser discrètement... Nous ne sentons pas trop les ados, c'est l'âge le plus propice pour faire des conneries et donc potentiellement venir nous casser les pieds. Nous reprenons donc la route et à peine le village quitté, la roue de Bob est à plat... on est maudit ! Je trouve l'épine source du problème (sûrement présente depuis notre bivouac champêtre avant Samarcande), je répare mais elle ne se gonfle toujours pas : 2e trou. Je recommence, pas mieux ! J'observe la chambre à air et je vois qu'elle a de nombreux trous, alors que le pneu n'a rien ! Incompréhensible. Je n'ai pas de chambre à air de rechange de cette taille (bien joué) et pris d'une sorte de frénésie panique et d'une forte envie d'aller se poser, je tente de réparer tous les trous en y passant mon paquet de rustines (oui je sais c'est complètement con). Forcément il reste des trous !


Deux jeunes parlant plutôt bien anglais sont arrivés entre-temps et nous proposent de nous héberger... perdu pour le bivouac tranquille mais sauvés. Nous les suivons donc chez Muhammad. Ils commencent tous deux leurs études à l'université et rêvent de partir en Europe. Nouveau pays mais même accueil : on nous nourris, nous offre ne chambre avec un futon préparé pour l'occasion... Nous passons un moment à discuter avec eux et à comprendre leur vie. Ils sont en vacances scolaires et donc aident leurs parents avec le jardin ou les champs : simple vie rurale telle qu'elle devait l'être en France dans la jeunesse de nos grands-parents.

Au matin je revérifie la chambre à air dans une bassine, il y a des trous de tous les côtés. Comment elle a pu se trouer autant d'un coup restera un mystère. Muhammad me propose une chambre à air du vélo de son neveu (la roue de Bob est une taille 16 pouces comme sur beaucoup de vélos pour enfant), effectivement c'est la même taille. Il demande au petit garçon qui accepte, et me voilà à piquer la chambre à air d'un enfant ! Je lui donne une boîte de crayons de couleurs en compensation et de quoi en racheter une. Nous nous confondons en remerciements, ils nous ont vraiment sauvés de la panade car les magasins les plus proches sont soit à Penjakent, soit à Dushanbé.


Avant de nous rendre à Dushanbé nous avons prévu une halte au lac Iskanderkul (le lac d'Alexandre le Grand) qui a l'air superbe. Nous continuons notre route le long du Zaravchan. Ici on fait pousser des abricots en grande quantité. Il y a des abricotiers partout et de nombreuses personnes (femmes ou enfants) les vendant en bord de route dans des sauts. Ils sont petits et très sucrés. Ils se vendent aussi séchés au soleil : ils deviennent par contre très durs.

Après Ayni nous bifurquons vers le sud, la route emprunte un canyon bordé de falaises immenses et au fond duquel une rivière bouillonne, c'est très impressionnant (et pas vraiment rassurant). Nous devons monter en altitude mais les ingénieurs tadjiks n'ont pas vraiment été capables de faire une route régulière et nous passons notre temps à monter et descendre... frustrant ! Bon faut dire que le terrain ne les a pas aidé.

Nous espérons trouver un coin pour bivouaquer sur un terrain couvert d'abricotiers, îlot de verdure dans cette vallée minérale. Une "tribu" complète d'enfants et de jeunes femmes y est à pied d'oeuvre sous l'autorité de la grand-mère. Nous demandons si nous pouvons planter la palatka. La grand-mère nous donne son approbation. Elle voit le misbaha (chapelet musulman) offert à Clarisse au Turkménistan et accroché à son guidon, on a d'autant plus sa bénédiction. Un enfant nous accompagne au bout du verger et nous installons la tente au calme. Les abricots sèchent sur de petits monticules de pierres. Quelques minutes plus tard tout la marmaille vient nous voir, l'un d'eux parle anglais à notre grande surprise, il a 15 ans mais en fait 12 tout au plus. Puis ils nous laissent à nos occupations. Plus tard c'est toute la troupe qui vient nous voir, menée par la grand-mère qui n'hésite pas à houspiller les enfants s'approchant trop du vélo ou de la tante. Les jeunes femmes regarde l'intérieur de notre tente en gloussant. Avant de partir la doyenne nous fait signe « photo ». Me voilà à prendre tout le groupe en photo. Ils veulent voir les clichés et en demande d'autres ! Moment très authentique de contact avec cette grande famille tadjik. Puis ils s'en retourne au village à pied et nous laisse à notre tranquilité. Nous sommes de l'autre côté de la rivière mais finalement la route est proche et malheureusement la lumière et le bruit des camions nous accompagnera toute la nuit.


Nous nous réveillons aux aurores, il fait frais ! Ca faisait longtemps, on a même dû ressortir les duvets durant la nuit. Nous visons d'arriver au lac Iskanderkul pour la mi-journée, il y a 900m de dénivelé dont une partie assez raide.


Nous sommes heureux de quitter la grande route qui a un trafic assez important de camions et voitures qui puent. On est pas dans l'air pur des montagnes. Une fois sur la route du lac nous sommes seuls. La route n'est pas asphalté mais en état correcte et remonte une belle vallée où coule un gros torrent d'eau bleue. Magnifique paysage : la vallée est surmontées de montagnes abruptes et minérales. Nous croisons un couple d'allemands voyageant dans en Lada 4x4 depuis Munich et nous discutons longuement avec eux puis attaquons la partie difficile du trajet. La route est raide voire très raide et parfois en assez mauvais état ce qui nous oblige à pousser sur une portion. Malgré quelques larmes nous arrivons au sommet et pouvons contempler les eaux bleues turquoises du lac glaciaire entouré de montagnes 200m plus bas. Un petit air alpin dans ce paysage.

Nous nous rendons de l'autre côté du lac pour camper hors des campings, le lac est un lieu de villégiature prisé des habitants de Dushanbé pour le weekend. Le président à une résidence secondaire sur ce côté du lac mais nous pouvons nous installer à côté sans problème.

Nous passons un jour et demi de détente dans ce coin calme situé à 2200m d'altitude. Nous ne pouvons guère profiter des eaux du lac qui est très froid mais nous nous y trempons tout de même après notre arrivée. Ce repos n'est pas de refus car il nous faut encore grimper un gros col avant Dushanbé.

Nous nous levons une nouvelle fois au petit jour pour profiter de la fraîcheur, remontons du lac puis parcourons les 20km grimpés la veille, nous ramenant à la route principale.

Nous sommes en contact avec Mario qui veut aussi venir au lac.. il est à 10km du croisement lorsque nous y sommes, nous nous verrons à Dushanbé. Nous nous lançon à l'assaut de ce col redouté qui se termine par un tunnel de 7km totalement déconseillé à vélo : nous avons prévu de faire du stop.

La montée est extrêmement raide avec de nombreux passages à plus de 12%, nous avançons péniblement à 5km/h. Ca circule pas mal et les camions tadjiks déglingués qui montent ou descendent dans un bruit infernal ne vont guère plus vite que nous. Nombre d'entre eux sont d'ailleurs arrêtés sur le bas côté, chauffeur-mécano allongé sous le châssis ou moteur ouvert pour refroidir. Va bien falloir choisir notre lift pour le tunnel ! L'air est encore bien chargé en gaz d'échappement, ce n'est vraiment pas une partie de plaisir et encore moins pour Clarisse qui est un peu malade et pas en grande forme. Nous finissons tout de même par passer cette partie raide pour nous retrouver dans un vallon d'altitude longeant un torrent où nous trouvons un joli coin pour la pause syndicale : ombre et herbe grasse. Le bruit des eaux tumultueuses couvre le bruit de la route : ambiance bucolique totalement opposée à l'enfer des dernière heures.

La pause terminée nous remontons sur la route au moment où passe un 4x4 qui s'arrête aussitôt : « Do you want a lift to the tunnel? », « Yes ! ». Georges est ficelé sur le toit et nous grimpons dans le 4x4 de Dominik, citoyen suisse installant des mini-centrales hydro-électriques pour une ONG. Il vit mi-temps au Tadjikistan depuis 15 ans et réalise parfois des missions dans des régions reculées en Afghanistan, Irak... Nous arrivons au tunnel, même en voiture il fait peur ! Etroit, sans lumière et empli d' une brume de gaz d'échappements... Il est impensable de le parcourir à vélo et pourtant certains le font à leurs risques et périls.


De l'autre côté le ciel est nébuleux, Dominik nous explique que ce n'est pas des nuages mais du sable ramené d'Afghanistan par le vent : ils appellent ça l'afghani. Le panorama n'est de ce fait pas aussi splendide qu'il pourrait l'être. Nous profitons du véhicule pour descendre plus bas, après une série de tunnel et de par-avalanches (à priori mal placés car les avalanches passent souvent entre...). Il nous reste 60km avant Dushanbé. Nous pensions y arriver le lendemain mais l'idée nous prend d'y arriver plus tôt, il n'y a que de la descente ça devrait aller. Oui mais ça c'était sans compter sur le vent du sud hyper fort qui nous oblige à pédaler dans la descente ! La route est rapidement bordée d'innombrables restaurants « sur la rivière » avec des sortes de balcons privatifs la surplombant ou de résidences secondaires bien barricadés. Nous sentons que nous approchons de la capitale du pays. Il nous reste pourtant 40km et cela nous paraît interminable. Clarisse est pris de spasmes gastriques, ça ne va pas fort, heureusement ce n'est pas constant.

En début de soirée nous atteignons enfin à Dushanbé après une trop longue journée de plus de 100km ce que nous n'avions pas fait depuis longtemps. Direction le Green House Hostel qu'on nous a recommandé, repère de cyclos et de backpackers de tout poil. Certains sont fraîchement débarqués de l'avion et ne viennent que pour ce "must-do" qu'est la Pamir Highway, d'autres viennent de la traverser et sont donc pour nous une mine d'information et bien sûr une grande partie se reposent tout comme nous avant d'attaquer les hostilités..

Nous y restons plusieurs jours pour nous reposer, écrire le blog, nettoyer et vérifier le vélo, aller chez Auchan (faudrait pas louper ça !), se faire épiler les jambes et regarder les 1/4 de finales de la Coupe du Monde...Toutes les nationalités se retrouvent ici de l'Asie à l'Europe. Nous trainons à la guesthouse et ne sortons pas beaucoup car il fait très chaud mais aussi car cela fait du bien d'être avec d'autres personnes parlant anglais. Ce confort de la communication simple est un vrai plaisir !

8 Juillet, nous voilà fin prêts et nous repartons en compagnie de Mario, Benoît et Laura direction Khorog et la Pamir Highway. Au programme des festivités : 500km de route souvent défoncée et un col à 3200m.

Toutes les photos de ce beau morceau d'Asie Centrale dans les dossiers des pays respectifs ici

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