Nous sommes accueillis par Li via le réseau Warmshowers à Qionglaï, à mi-chemin entre Dujiangyan et Ya'an. Nous voulons profiter de cette étape pour prendre un jour de repos supplémentaire et bienvenu après 10 jours de vélo consécutifs. Cela ne pose pas de problème à Li de nous héberger tous les quatre, il nous prête carrément un appartement équipé ! Il l'a acheté pour que sa fille y loge lorsqu'elle sera au lycée, dans plusieurs années. On est tout confort, il y a même lave-linge et sèche-linge... et un toilette à la japonaise avec lunette chauffante et petit jet d'eau, le luxe. Nous en profitons pour laver toutes nos affaires car souvent les hôtels chinois faisaient payer à la pièce, ce qui chiffre vite, nous nous restreignions donc au minimum ou nous lavions à la main. Quel plaisir de mettre des vêtements vraiment propres, on a presque l'impression d'en avoir des nouveaux.
Nous découvrons que Li parle finalement assez peu anglais, mais il se débrouillera pour qu'il y ait toujours avec lui une tierce personne parlant bien la langue de Shakespeare. En fait nous ne serons jamais seuls avec lui. Il est avocat et se rend souvent à Hong Kong. D'après ce que nous disent ses amis c'est quelqu'un de vraiment généreux et il semble être connu dans la ville pour ça. Ce n'est pas nous qui dirons le contraire : après nous avoir laissé nous installer et nous reposer, il nous invite au restaurant pour un copieux dîner avec une amie amie (notre interprète du soir donc). Ils nous donnent rendez-vous le lendemain matin pour aller voir leur club de vélo et nous demandent notre accord pour être interviewé par des amis journalistes. Nous rêvions d'une journée à glander mais nous ne pouvons refuser. Laura et Benoît, plusieurs fois accueillis par le réseau des « espérantistes » chinois, ont déjà eu ce genre d'expérience, ils sentent que notre journée du lendemain ne sera pas aussi reposante que nous l'imaginions. Avant de nous quitter, nous fixons l'heure de rendez-vous : ils nous proposent 9h, nous négocions 11h, bien nous en a été !
11h pétantes, Li sonne à la porte avec, cette fois, son amie Max, professeure d'anglais. Nous partons à vélo au magasin Giant qui héberge aussi le club de vélo de la ville. On nous offre le café et nous rencontrons de sympathiques pratiquants de la petite reine. L'équipe de journalistes arrive armée de sa caméra, devant laquelle nous avons droit à un joli speech en anglais sur l'engouement chinois pour les vélos Giant, qui est une marque Taïwanaise (rappelons que de nombreux chinois « continentaux » considèrent Taïwan comme faisant partie intégrante de la Chine, on sent un peu de fierté nationale derrière les paroles). Je cherche à faire plaisir en plaçant que j'ai un VTT Giant en France, je ne suis même pas sûr que la remarque soit notée tellement le speech est rodé... on a presque l'impression que c'est de la propagande. Après la jolie photo de groupe devant le magasin, nous partons pour un tour de vélo dans la ville avec une dizaine de membres du club, bien sûr suivis par la voiture des journalistes qui nous filment en action. A priori nous allons visiter la vieille ville de Pingle, mais avant nous avons le droit à une démonstration de Taïchi avec la minute de pratique inutile à la fin... et toujours la caméra qui nous filme. Bon là on commence sérieux à se dire qu'on nous « utilise », on en rigole tous les quatre. Nous partons sur une piste cyclable flambant neuve à travers la campagne, un panneau indique « Pingle Old Town 17km », surprise ! Là nous savons que c'est totalement perdu pour la journée de repos. Benoît et Laura sont morts de rire, le club de vélo d'une autre ville leur a déjà fait un coup dans le style.
Vient le moment de l'interview. Aucune question au sujet de notre voyage, de ce que nous avons vu en Chine... les seules questions tournent autour de la piste cyclable et de la ville de Qionglaï. Pour eux, nous sommes forcément venus par intérêt pour le lieu. On en est désormais sûr, notre présence dans la ville tombe à pic pour faire la pub de cette nouvelle voie verte. Nous jouons le jeu et en rajoutons un peu dans nos réponses à leurs questions... On ne peut pas leur en vouloir d'être fiers de leur voie cyclable, qui s'avérera d'ailleurs très agréable, sinuant à travers la campagne, les collines et les cultures. Nous arrivons finalement à Pingle, et, après un rapide tour du « vieux » village, nous nous rendons tous ensemble au restaurant où de trop nombreux plats emplissent la table jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de place. On goutte à tout, on se régale. Au moins ils ne se fichent pas de nous, ça valaient bien 20km de vélo ! Par contre on sent venir le gâchis comme les chinois savent si bien faire... il y a clairement trop à manger pour la tablée. Nous mangeons plus que de raison, heureusement quelques convives ont aussi bon appétit, mais la plupart mangera finalement assez peu et, malgré nos efforts pour finir les plats, nous devons capituler et voir tous les restes jetés. Cette habitude culturelle d'avoir à disposition un excès de nourriture, afin que l'invité ne manque de rien, nous révoltera toujours.
Après ce trop copieux repas, c'est reparti pour la même route en sens inverse. Nous totaliserons une bonne quarantaine de kilomètres pour cette escapade, bien trop pour une journée de « repos » ! Le soir Li et Max nous emmènent de nouveau dîner, c'est Max qui régale. Après l'expérience du déjeuner, nous expliquons à notre interlocutrice qu'en France il n'est pas bien vu de gâcher la nourriture et donc que ce n'est pas la peine de trop commander, nous préférons tout finir sur la table. Elle se plie à notre volonté, petite victoire. Elle tenait à nous inviter à dîner pour discuter avec nous, nous connaître. Nous émettons quelques réserves sur la sincérité de cette envie de nous rencontrer, peut-être à tord, mais elle ne nous posera quasi aucune question et n'écoutera de toute façon pas vraiment les réponses. Avec ce deuxième dîner, on se demande si ce n'est pas une sorte de « faire valoir » d'avoir invité des étrangers et de pouvoir montrer son niveau social (donc impossible pour nous de participer au coût du repas une fois de plus). N'imaginez pas que nous ne leur soyons pas reconnaissant, nous avons été comblés par leur excessive générosité et nous nous considérons clairement chanceux d'avoir été kidnappés, oups lapsus, je veux dire accueillis, par Li.
Après cette intéressante expérience de l'hospitalité chinoise, nous repartons tous les quatre pour Ya'an. Nous tirons tout droit via les grands axes à travers la plaine. Au nord, nous devinons les hautes montagnes du Sichuan dessinant des ombres (chinoises bien sûr) dans la brume. La région que nous traversons est spécialisée dans le baiju et la culture du thé. La multitude de distilleries bordant la route de part et d'autre sur des kilomètres épandent dans l'air une acre odeur de fermentation. Viennent ensuite les champs de thé vert et leurs petits buissons si bien taillés et ordonnés. La préparation des feuilles de thé vert est très simple : elles sont simplement étuvées, puis laissées séchées à l'air libre, rien de plus... d'où leur goût d'herbe.
Ya'an est située au coin Nord Ouest de la plaine, au carrefour des routes qui partent vers l'ouest (notamment la G108 qui va de Chengdu à Lhassa, route appréciée des cyclo-touriste chinois) et vers le sud du Sichuan. Là recommence la montagne et les vallées encaissées. Après mûre réflexion, nous avons décidé de prendre un bus pour nous avancer de 500km vers le sud et éviter les forts dénivelés nécessaires à quitter la plaine, cela nous permettra de plus d'avoir le temps d'un détour au sud du Yunnan pour visiter les célèbres terrasses de riz des Hani, must-see de la région. Nous ne pouvons tout faire et laissons donc de côté l'ouest du Yunnan et les régions montagneuses autour de Lijiang, Dali et Shangri-La, peut-être l'occasion d'un autre voyage ?
Avant de faire notre saut motorisé, nous profitons d'une dernière excursion touristique à la journée direction Leshan, afin de rendre visite au Bouddha Géant, sculpté dans la montagne il y a plus de 1000 ans. Avec ses 71m, c'est un des plus grands Bouddha du monde depuis la destruction des Bouddhas géants d'Afghanistan par les talibans. Il faut savoir qu'il existe une véritable compétition entre les sites historiques bouddhistes pour se vanter d'avoir le plus grand Bouddha assis, allongé, debout, à l'intérieur d'un bâtiment, celui la tête en bas... je m'égare. Bref tout le monde à son « plus grand Bouddha du monde ». Il fait un temps radieux, nous faisons le plein de vitamine D.
Dans le bus menant au site, nous discutons avec un couple d'Israéliens en vacances, très impressionnés par notre périple. Une dame nous entend et nous aborde, elle est australienne et a voyagé de Sydney à Londres à bicyclette dans les années 80, à l'époque pas de carte routière en Chine (seuls les militaires en avaient) et bien sûr pas de smartphone pour aider à la traduction... Je reste très admiratif des personnes qui ont fait ce type de voyage par le passé, c'était vraiment l'aventure, à côté notre périple me semble « facile ».
Le Bouddha est impressionnant, mais le meilleur moyen d'apprécier sa taille est très probablement depuis la rivière et non depuis le site (classé AAAAA par le gouvernement chinois, les sites culturels du pays ont leur notation !). Cependant il y a peu de monde en cette période post-vacances nationales et nous apprécions de nous balader dans la jungle de la colline boisée surplombant la falaise où est nichée le Bouddha. Elle nous offre un joli point de vue sur les trois rivières se rejoignant devant le regard bienveillant de la statue, qui semble de nos jours contempler la modernité croissante de la nouvelle ville.
Chaque voyage en bus est une aventure avec le tandem, mais nous commençons à être préparés. Je me débrouille pour trouver le chauffeur du bus qui doit nous amener à Panzihua, afin de lui faire valider que le vélo peut aller en soute. Soulagement, c'est un grand bus donc avec des soutes volumineuses et je lui montre une photo de Georges sagement rangé dans une soute pour lui prouver que ça passe et lui brandi fièrement ma sangle comme signe de notre organisation. Nous nous mettons d'accord sur le supplément pour le vélo et il me permet même de le mettre dans la soute avant les autres bagages, Georges est bien harnaché : mission accomplie !
Nous sommes à l'avant du bus au dessus du conducteur et donc aux premières loges pour admirer le paysage de montagnes couvertes par une épaisse jungle de bambous, pays du panda géant, et la conduite à la chinoise de l'intérieur. Seul bémol, la place pour les jambes est bien trop petite pour nous, comme souvent. Le terrain est très accidenté et l'autoroute emprunte ponts et tunnels (première fois que nous empruntons un tunnel en spirale qui grimpe à travers la montagne), nous ne sommes pas fâchés de ne pas pédaler dans cette région bien que magnifique. Nous arrivons à Panzihua en fin de journée. La ville est construite sur les versants de la montagne au dessus d'une grande rivière, elle est toute en pente et franchement moche, ce qui ne nous donne aucunement envie de l'explorer. Heureusement nous trouvons facilement un hôtel pour la nuit non loin de la gare routière. Nous sortons faire quelques emplettes, les fruits tropicaux font leurs apparition et notamment les mangues pour mon plus grand plaisir.
Et c'est sous la grisaille que nous reprenons la route plein sud, en direction du Yunnan. Nous avons changé de climat, il fait chaud et humide, nous descendons bel et bien vers les tropiques. Entre les plis du terrain qui nous obligent à jouer aux montagnes russes une fois encore, la culture des manguiers est omniprésente. Mais, chose totalement inattendue, à peine 30 km plus loin nous n'en verrons plus un seul, ni ne trouverons de mangues sur les marchés ! Tout partirai-t-il à l'export ou dans les villes de la côte Est surpeuplée ? Snif, heureusement qu'on a fait la « technique Chirac » (NDLA : Jacques Chirac disait « quand tu vois des toilettes, pisse, tu ne sais pas quand tu en trouveras d'autres », nous transposons et appliquons cette philosophie sans modération durant ce voyage). Cette hyper-localisation des cultures est assez significative de l'agriculture intensive chinoise, chaque coin semble spécialisé : ici les mangues, là les bananes, ici encore la christophine ou les haricots (seuls les multiples sortent de choux semble universelles)... les cultures sont à chaque fois organisées pour un rendement maximum avec des plantations extrêmement denses et des récoltes plusieurs fois par an. On sent bien que la terre est exploitée à son maximum, sans répit, à grand renfort de pesticides. Bien que travaillée à la main on se demande s'ils ne vont pas épuiser totalement la terre arable.
Entre villages et cultures, nous renouons avec la difficulté de trouver des coins appropriés pour camper, mais nous finissons toujours par nous trouver un bout de chemin abandonné ou un coin de forêt, souvent trop proche de la route malheureusement. Nous cheminons par monts et par vaux, alternant cols à 2000m et vallées à 700m, tantôt dans le plafond nuageux, tantôt en dessous, la température varie drastiquement entre ces deux extrêmes. La route serpente à flanc de montagnes au-dessus de rivières marrons ayant creusées d'impressionnante gorges. Nous passons de superbes points de vue, dommage que le soleil ne soit pas vraiment de la partie.
Nous rejoignons finalement une grande vallée orientée d'ouest en est, elle est l'axe de circulation principal de la région, reliant Dali à Kunming. Nous y retrouvons le soleil avec une joie palpable. Essayant d'éviter au maximum la grande route, nous sommes amenés à traverser de petits villages où grains de céréales et piments sèchent à même la chaussée, elle en est parfois entièrement couverte. Le soleil donne toute sa splendeur au jaune or des épis de maïs suspendus aux balcons, au mauve des innombrables bougainvilliers bordant la route et au rouge des piments jonchant la chaussée et nos yeux se régalent de ce festin coloré. Les magnifiques papillons nous suivant régulièrement ne gâchent en rien le tableau.
Avant d'arriver à Chuxiong nous n'avons plus d'autre choix que d'emprunter la grand route. Une belle « deux fois trois voies » plutôt calme. On remarque qu'elle est d'ailleurs plus large que l'autoroute qui la double, pour le coup franchement empruntée. Ca descend et nous filons à 30km/h vers la ville où nous allons faire une petite journée de repos, au calme. Les montagnes russes du Yunnan, ça fatigue mine de rien ! La ville se compose en deux parties : la ville moderne et ses grands buildings, qui fourmille comme toute les grandes villes chinoises, et la « vieille ville » marquée sur nos cartes « Yi Ancient Town », l'ancienne ville des Yi, minorité de la région. Seulement voilà, comme nous avons déjà pu en faire l'expérience à Dujiangyan ou à Xi'an, la vieille ville n'a rien de vieux : elle est toute neuve. Les chinois rasent puis reconstruisent à neuf les anciennes villes, avec un certain goût il faut le dire. Cela concerne d'autant plus les villes historiques des minorités du pays, qui sont ensuite mis en avant comme des lieux d'attrait touristique. Les chinois aiment le neuf, quitte à sacrifier l'authenticité de certains lieux historiques (on nous a reporté que le même sort a été appliqué à la vieille ville de Kashgar, ville importante de la route de la soie). Néanmoins la « nouvelle-vieille » ville de Chuxiong est plutôt jolie et agréable et, lieu touristique hors saison oblige, particulièrement calme en ce moment, et ça, ça nous plaît pour une journée de repos !
Nous allons voir un hôtel dans notre budget que nous avons repéré sur la carte, pas de chance il est complet. Nous allons donc demander dans les bâtiments alentours qui sont en fait tous de petit hôtels... vides. Le prix des chambres est bien plus élevé que ce que notre budget nous permet, mais les propriétaires nous proposent finalement de nous faire une chambre au prix que voulions. Nous voilà donc dans une chambre luxueuse avec un lit 180cm (nous avons plutôt habituellement deux lits jumeaux.... en 120cm, ce qui nous étonne toujours vu que les chinois sont plutôt petits), un mini-salon, un immense écran plat et une douche démesurée pour moins de 10 euros la nuit, le panard ! Vraiment la Chine hors vacances, ça a du bon ! « Les serviettes sont super moelleuses et douces ! » s'écrit Clarisse, aux anges. Dans ces cas-là on a vraiment l'impression d'avoir une double-vie, la vie de voyageur à vélo et ses bivouacs galères en bord de route, où nous nous couchons encore transpirant de la journée ; et la vie de touristes « classiques » dormant propres et détendus dans des hôtels agréables. La douche chaude permet la transformation d'une vie à l'autre et nous fait en général rapidement oublier les galères des derniers jours.
C'est donc dans nos habits de touristes que nous partons arpenter les rues piétonnes flambant neuves inondées des rayons du soleil couchant.
C'est durant notre balade matinale à la recherche d'un petit déjeuner que nous la découvrons : LA brioche. Celle qui fait plaisir, celle qui nous rappelle la maison avec son délicieux goût de croissant et sa touche sucrée. Il y a de nombreuses « bakeries » (plutôt des pâtisseries) en Chine, il semble qu'il y ait un fort engouement de la part des chinois pour ce type de mets. Ce n'est pas pour nous déplaire, surtout qu'on trouve finalement très peu de produits sucrés dans le pays. Nous sommes presque en détox de sucre ! Les seules préparations locales assez satisfaisantes pour nos papilles que nous ayons trouvées sont les « bao » (petit pain cuit vapeur) vendus le matin : fourrés soit avec une pâte de cacahuètes, soit avec des haricots sucrés. Ne parlons même pas du chocolat que nous essayons d'oublier car totalement absent du pays, heureusement d'ailleurs, car le jour où les chinois y prennent goût, ils risquent de drainer tout le cacao du monde (il semblerait que ce soit ce qui est en train de ce passer avec la vanille). En général, là où nous mettrions du chocolat, les chinois utilisent de petits haricots noirs sucrés : soit ils en font de la pâte, soit ils les utilisent comme des « pépites de chocolat ».
La pause se termine, elle nous a fait le plus grand bien. Après un dernier petit déjeuner à base d'excellente brioche et de café soluble (on aurait préféré un bon expresso mais bon), nous repartons pleinement rechargés... et avec une brioche dans les sacoches bien sûr. Le soleil nous accompagne depuis plusieurs jours sans trêve, il n'y a pas à dire, le vélo c'est quand même mieux avec le beau temps. Nous en profitons pour prendre quelques photos... devant la police, ce qui nous vaudra un contrôle d'identité et une vérification de nos photos. Il fallait bien que ça nous arrive une fois. Le fonctionnaire s'occupant de nous étant un féru de voyage à moto, il finira par nous montrer ses photos et nous souhaiter un bon voyage. Champs de maïs et champs de tabac occupent le paysage. Autant les chinois fument beaucoup (et nous proposent souvent une cigarette) et ont de nombreuses marques de cigarettes locales qui justifient donc la production de tabac, autant nous ne savons pas trop ce qu'il font de leur maïs car nous en voyons très peu dans la cuisine, probablement de la farine et de la nourriture pour les animaux. Comme nous commençons à en avoir l'habitude, nous remontons à 2000m et goûtons, l'espace d'un bivouac, à la fraîcheur avant de redescendre de nouveau à 700m et retrouvons la chaleur.
Pour la suite, nous avons choisi de nouveau un itinéraire « off-map ». Il y a tellement de petites routes en Chine que toutes n'apparaissent pas sur nos cartes. Heureusement Googlemap est trop fort et, surtout grâce à sa vue satellite (qui est étonnement plus précise que les vues satellites des applications officielles chinoises), nous pouvons repérer un itinéraire alternatif en nous assurant qu'il y a bien des routes (ou au moins des pistes). Nous bifurquons donc dans une petite vallée, et, agréable surprise, la route est pavée (au sens propre). Nous nous attendions à une vallée assez isolée mais nous découvrons qu'elle finalement fortement cultivée, serres et parcelles s'étendent à perte de vue. Des hameaux récents ressemblant à des lotissements côtoient des villages plus anciens. On sent que la Chine « colonise » tout son territoire pour y cultiver la terre. C'est qu'il faut le nourrir ce milliard de bouches. Étonnant par contre, impossible de trouver des légumes à vendre, nous nous permettons donc de glaner notre repas du soir le long de la route. Les tons rouges de la roche contrastent fortement avec la végétation vert clair, et toujours ce beau soleil qui nous baigne, le paysage est vraiment superbe. Bananes et papayes poussent en bord de route, puis ce sont les eucalyptus qui font leur apparition.Les locaux font brûler les feuilles, ce qui embaume l'air d'un parfum frais, puis ils les placent dans une sorte d'alambic, serait-ce pour en récupérer l'essence ?
Depuis notre départ de Chuxiong, nous trouvons les gens de la région plus souriants et plus accueillants que dans le nord. Nous avons renoué avec les petits cadeaux spontanés sur la route : fruits, bouteilles d'eau... ça fait toujours plaisir. Avant d'attaquer la grimpette qui nous fera sortir de cette agréable vallée, nous nous arrêtons dans un boui-boui en bord de route pour déjeuner, le propriétaire refusera que nous payions quoi que ce soit. La générosité semble plus présente en Chine du sud. Par contre chose nouvelle et parfois un peu déroutante, la vision de notre attirail déclenche régulièrement des fous rires, nous ne savons pas vraiment à quoi nous en tenir mais c'est toujours plus agréable que des cris de peur ! Fin de la partie plate, nous grimpons rapidement par une série de lacets et pouvons contempler la vallée vu d'en haut. Il fait chaud et nous suons à grosses gouttes (surtout Clarisse qui se liquéfie). Quelques serpents écrasés sur la route nous alertent, note à nous-même : il faudra faire attention lors des bivouacs. Après être remontés à près de 1600m dans une vallée perpendiculaire à la première, nous trouvons, pour poser la tente, un petit champ surélevé dans le creux d'un virage de la route. Pas trop de choix à flanc de montagne et avec toutes les cultures. Nous avons une vue magnifique sur cette vallée que surplombe la route et sur les terrasses cultivées encore baignées par la soleil de fin de journée. Une fois ce dernier passé derrière la montagne, l'air devient plus frais pour notre plus grand soulagement, et à priori la route est peu fréquentée : nous allons bien dormir.
Et bien non ! A l'instar des nuits précédentes, les coqs du village voisin se mettent à chanter à 2h du mat, pour ne plus s'arrêter jusqu'au levé du soleil... ils sont vraiment déréglés dans ce pays, en plus ils font un son bizarre. Nous nous réveillons les yeux lourds sous un ciel bleu, mais la brume matinale qui monte à une vitesse incroyable nous recouvre rapidement. Nous avons pu observer ce phénomène tous les jours, les sommets restent dans les nuages une bonne partie de la matinée, nous n'aurons pas le soleil avant plus heures. Nous continuons notre agréable petite route et pouvons observer la vie dans ces zones rurales montagneuses avant de rejoindre une route plus fréquentée qui nous permet de franchir le col fermant la vallée. Au sommet, nous faisons halte pour sécher la tente sous le soleil qui a enfin vaincu le brouillard. Un petit marchand de fruits à qui nous expliquons être venus de France, nous offre bien 3kg de poires (pas mûres comme d'hab'). Heureusement on a normalement fini de monter pour la journée. La redescente est excellente et la route sinue entre les pins, on pourrait être sur le versant sud du Vercors, dans le Diois. A la mi-journée nous sommes déjà à Xinping, après le plein de vivres au marché et un vrai but à une station service (genre « on n'a pas du tout envie de vous aider »), nous poursuivons la descente vers l'est. Fini le calme de la petite vallée, nous avons retrouvé les grands axes de circulation et, comme partout en Chine, une nouvelle autoroute est en construction, ce qui signifie camions, poussière et paysage ravagé. Nous avons constaté qu'en général les ouvriers sont hébergés directement au bord des chantiers dans des habitations en algecco, main d'oeuvre disponible 24/24. Le patelin est vraiment affreux, quelques immeubles défraîchis se tiennent entre la sortie d'autoroute et la série de réparateurs auto bordant la route et devant lesquels campent des camions en attente de maintenance. Ces ateliers à ciel ouvert sont habituels à l'entrée de villes et villages chinois et, faute de gestion des déchets, sont toujours repérables par la montagne de pneus et autres pièces mécaniques en fin de vie qui les entourent. Nous avons plus de chance avec la station-service du coin. Notre réserve d'essence pleine, nous nous extirpons au plus vite de cet enfer bruyant. Cette fin de journée nous a bien crevée et la route commence à remonter, nous nous cherchons donc rapidement un lieu pour camper. Mais entre villages, autoroute et flancs de montagnes abruptes, peu de place pour nous dans cette vallée. Nous nous engouffrons dans un chemin qui s'éloigne un peu de la route dans un petit hameau. On va sûrement nous voir mais tant pis, de toute façon nous avons bien remarqué lors de précédents bivouacs, que les habitants du coin ont l'air de faire peu de cas de notre présence. On prend tout de même la liberté de se doucher, ce qui me vaudra de me réfugier derrière la tente encore tout savonneux, pour ne pas qu'une troupe de travailleuses ballottées à l'arrière d'une bétaillère ne me voient dans le plus simple appareil. Clarisse rit encore de la scène. Il y a des vraiment des moments où nous regrettons de ne pas avoir été en train de filmer.
22 Octobre, journée morose. Déjà il recommence à faire gris. Les cirrus notés par Clarisse la veille étaient bien signes précurseurs de perturbation. Après un petit col, que nous rejoignons fort heureusement avant la pluie, nous entamons une longue descente. Au premier virage, malgré une vitesse modérée, la roue avant chasse, Clarisse pousse un cri, c'est la chute : la vraie, celle qui fait mal. Le tandem se couche sur le flanc et je prends le choc directement dans l'épaule. A peine le temps de se demander mutuellement si ça va que nous nous relevons pour sortir de la route. Heureusement aucun véhicule ne passe pendant ces quelques minutes sur cette route pourtant plutôt empruntée. Nous sommes blêmes. Clarisse sent qu'elle s'est bien brûlée la hanche et le bras. Quand à moi je me demande si je ne me suis pas cassé quelque chose. Le casque nous a une fois de plus été utile, Clarisse a bien tapé sur le côté, mais grâce au casque elle n'a pas été sonnée. Nous restons un peu à l'intérieur de l'épingle, et essayons de comprendre ce qui nous est arrivé, de l'eau sur la chaussée ? Une couche de gras ? Nous ne savons pas vraiment. Nous restons choqués par cette chute inattendue. Après quelques minutes nous migrons vers un bas-côté plus large afin de panser nos plaies. Mon épaule est douloureuse mais je peux bouger, rien de cassé à priori. J'ai tapé sur l'arrière de l'épaule et donc épargné la clavicule. Le vélo n'a rien. Nous sommes finalement « bien tombés » si on peut dire. Les sacoches ont probablement protégées nos jambes et, la chaussée étant propre et lisse, nous avons peu d’égratignures, ce sont nos habits qui nous ont brûlés.
Nous hésitons à reprendre le vélo ou continuer en stop jusqu'à la prochaine ville. Il y a assez peu de véhicules susceptibles de pouvoir embarquer le tandem donc nous décidons de continuer la descente, je peux tenir le guidon et freiner mais pas trop bouger. C'est donc à petite vitesse que nous continuons notre descente. Ca ne va pas trop mal alors nous poursuivons, la route remonte, il se met à pleuvoir pour ne rien améliorer à notre situation. La route passe sous l'autoroute en faisant une chicane, alors que nous sommes arrêtés pour attendre la fin de l'averse, un poids lourd arrive en remontant la route comme nous, il est bien trop à gauche pour prendre le virage, coup de frein, glissade et il s'encastre violemment dans la barrière en béton bordant la route. Il est probable que la route glisse (peut-être ce qui à provoquer notre chute) mais probablement aussi le chauffeur était, comme bien souvent, en train de triffouiller son smartphone. Bien qu'il ne nous ait pas menacé directement, nous restons tétanisés et nous foutons le camp pour nous abriter un peu plus loin, hors de la route et hors de portée d'un autre potentiel camion. Nous sommes devant une bâtisse qui deviendra sûrement un restaurant. En attendant il fait office de petit magasin et de karcher pour les véhicules (les points de lavage de ce type sont légions au bord des routes chinoises). Vu qu'ils ne servent pas à manger, nous préparons nos pâtes au réchaud à l'abri en attendant que la pluie se calme. Vu le nombre de véhicules qui passent, nous abandonnons l'idée du stop malgré mon épaule. La ville est encore à 45km mais il y a 30km de descente, et nous savons déjà que nous allons prendre la journée du lendemain pour récupérer. La pluie baisse, nous repartons, mais elle repart de plus belle peu de temps plus tard. Deuxième arrêt, cette fois à l'abri d'une station-service. Nous y restons 1h30 à observer une équipe travaillant probablement pour la société électrique nationale distribuer des compteurs électriques tout neufs. Ils sont six et seuls deux ont l'air de faire quelque chose, c'est pire que la DDE. La fin de journée se rapproche à grand pas, le ciel est plus clair dans la direction où nous allons donc nous reprenons notre ascension. On y est enfin !
On se lance prudemment dans la descente, en plein brouillard, ben oui après la pluie il ne manquait plus que ça. Tout juste sortis de la brume, nous nous retrouvons nez à nez avec quelques chèvres noires en plein milieu de la route, race que nous croisons depuis notre arrivée au Yunnan. On en profite pour s'arrêter et laisser les freins refroidir, Clarisse craque. Stress post-traumatique et peur de la descente désormais présente, sont trop pour ses nerfs. Une fois ragaillardie, nous achevons nos derniers kilomètres au bord du Fleuve Rouge et arrivons enfin à Yuanjiang juste avant la nuit. Nous y trouvons un hôtel où nous pouvons garer le tandem et posons nos bagages pour au moins 36h d'un repos bien mérité. Ce n'est qu'au moment de sortir dîner que nous réalisons que l'hôtel est situé au dessus d'un KTV : un karaoké, dont les chinois sont férus. Il fallait bien la cerise sur le gâteau à cette horrible journée.
Mais heureusement il y a toujours de belles surprises, déjà Clarisse a trouvé un billet de banque au bord de la route après notre chute, la bonne fortune ne nous a pas oubliée. Et nous choisissons pour le dîner un restaurant où la patronne s'avérera particulièrement sympathique et fera tout pour nous aider alors que nous ne comprenons rien au menu. On demande un plat à base de pommes de terre, elle revient avec une patate et un œuf : « oui parfait ! ». C'est ainsi que, contre toute attente, Clarisse se retrouve à manger des frites panées accompagnées d'une bonne bière bien méritée. La patronne est vraiment ravie d'avoir des étrangers dans son restaurant, nous aurons donc droit à une série de photos à l'intérieur puis avec la devanture de l'établissement. Moment de bonne humeur qui nous fait du bien. Nous passons une bonne nuit malgré les hurlements provenant du karaoké (que les chinois chantent mal ! merci les boules Quies).
Yuanjiang fait partie de ces villes chinoises sans charme et toutes neuves avec leur quadrillage de grandes avenues bordées de magasins de téléphonie mobile et autres commerces hurlant de la musique en pleine rue. Les façades bordant les avenues sont propres mais la face cachée est souvent un tout autre décor, nous pouvons l'apprécier depuis notre chambre d'hôtel où, après une rapide balade en quête d'un petit déjeuner, nous passons une journée à ne rien faire sauf regarder des comédies françaises. Que ça fait du bien ! Nous n'avions pas fait de journée aussi oisive depuis Osh probablement. Après une deuxième nuit bercée par les fausses notes du KTV, nous sommes assez requinqués pour reprendre la route direction de Yuanyang (oui oui tous les noms se ressemblent) et les terrasses de riz. Nous suivons le-dit Fleuve Rouge sur les 150km qui nous sépare de notre but. La route est parsemée de pierre de différentes tailles tombées des talus et falaises la surplombant. Ce qui nous invite à ne pas trainer ! Nous faisons halte dans un de ces bâtiments abritant un magasin au-dessus duquel des chambres sont à louer pour la nuit. Le deux petits vieux tenant la boutique n'ont probablement jamais eu d'hôtes étrangers et se demandent comment faire en voyant que notre passeport ne rentre pas dans la machine officielle pour scanner les pièces d'identité chinoise (contrôle de la population oblige). Après un coup de téléphone (à la police probablement), ils photographient nos passeports et nous ouvrent une chambre. Nous nous attendions au pire mais la chambre est extrêmement propre, la douche marche bien mieux que dans certains hôtels et nous avons même des serviettes à disposition ! La Chine n'a pas fini de nous étonner.
Nous arrivons enfin à Nansha, partie moderne de Yuanyang, située dans le creux de la vallée, à 250m d'altitude. Il fait vraiment chaud et lourd pour le coup. La ville est vivante et de nombreuses femmes portent des costumes traditionnels trahissant leur ethnie. C'est agréable de voir que certaines populations ont gardé leurs coutumes vestimentaires dans la vie de tous les jours. Clairement en Chine au Tibet comme au Yunnan, l'habit traditionnel est l'apanage des femmes. Les hommes de la région se dénotent tout de même par leur habitude à fumer le tabac dans des pipes à eaux, souvent très grande. Cet ustensile étant plutôt réservé aux substances illicites en Occident, c'est assez drôle pour nous d'en voir partout dans les rues, les restos, les hôtels, la plupart du temps en libre service.
Les tant espérées terrasses de riz se situe à Xinjie, la partie ancienne de Yuanyang, elle située à 1700m... soit bien au-dessus de nos têtes. Après une nuit dans la vallée, nous nous lançons dans l'ascension en mode « light » : on prend juste 2 sacoches et la tente. La montée de 40km sera quand même exténuante, après plusieurs heures nous sommes heureux d'atteindre des altitudes plus fraîches. Nous montons au dessus de la ville, à près de 2000m pour profiter des terrasses au coucher du soleil. A cette période, elles sont inondées et la lumière de début ou de fin de journée s'y reflétant comme dans une myriade de petits miroirs, permet de pleinement mesurer leur nombre. C'est vraiment magnifique et ça valait largement le détour. Par contre, à peine le soleil disparu, c'est littéralement derrière un rideau de brouillard que disparaissent ces centaines de petits bassins en escalier. Nous trouvons à in extremis un spot de bivouac avant la tombée de la nuit et avant la pluie... qui continuera jusqu'à notre réveil. Pas de bol, nous sommes en plein dans le nuage ! Perdu pour voir le reste des terrasses et, qui plus est, cela signifie 50km de descente sous la pluie. Nous attendons un peu puis jetons l'éponge : on redescend. Transis de froid et détrempés, nous sommes cette fois heureux de retrouver la chaleur de la vallée. Heureusement notre chambre d'hôtel est immense et nous pouvons carrément y faire sécher la tente.
Durant notre escapade, Andy et Mimie sont arrivés à notre hôtel, ils vont en direction du Viet-Nam et Yuanyang était sur leur route. Une bonne occasion pour se recroiser une dernière fois. Nous sortons dîner ensemble une dernière fois, à la cantine du coin de la rue. Nous aimons bien ce type de resto car on peut y composer sont assiette en choisissant parmi des plats déjà préparés, galérant comme au premier jour avant la langue, ça nous simplifie la vie. Nos routes se séparent de nouveau, ils filent vers l'Est pour quitter la Chine avant la fin de leur visa et nous partons plein Nord direction Kunming pour y prendre l'avion direction Mandalay.
Après 11000km, nous nous sommes résolus à emprunter un transport aérien pour nous rendre en Birmanie. La frontière avec la Chine n'est malheureusement pas ouverte aux étrangers et la plus proche frontière ne nécessitant aucun vol interne est celle de Mae Sot en Thaïlande (de nombreuses régions et routes sont interdites aux étrangers en Birmanie, notamment la route de Kalaw à Keytung, ce qui oblige à prendre un avion lorsqu'on rentre dans le pays par Mae Sai/Tachileik, poste frontière du nord de la Thaïlande). Cette frontière est bien trop au sud et obligerait ensuite à remonter pour visiter le pays. Pour respecter notre planning d'arriver à Singapour avant la fin de l'année, nous n'avons guère d'autre choix.
Pour quitter la vallée de Nansha, il faut remonter à 1900m, l'idée n'est pas réjouissante surtout que la route n'est pas large et que les options de bivouacs semblent limitées, de plus Clarisse montre quelques signes de faiblesses dès le matin. Nous tentons le coup mais après 400m de dénivelé nous nous rendons à l'évidence, on n'y arrivera pas. Nous optons donc pour le stop. Le premier camion qui passe s'arrête, il est vide et assez grand pour accueillir George et Bob, le conducteur est ok : bingo ! Quelle aubaine. Les vues sur la vallées sont impressionnantes depuis la route qui n'en fini plus de grimper en sinuant, pas sûr que nous aurions apprécié d'être dans un camion à la descente ! 1h plus tard, nous sommes déposés au sommet, une vraie téléportation. Il ne nous reste que 30km pour atteindre Janshui, où Andy nous a dit que la vieille ville (une autre vrai-fausse vieille ville bien sûr) était très agréable et vivante.
Effectivement le premier aperçu nous plaît bien et ayant trouvé un hôtel sympa et pas cher, nous mettons à profit notre journée « gagnée » en prenant une nouvelle journée de repos. Nous en profitons pour flâner dans la vieille ville et ses marchés par un généreux soleil, et pour la première fois depuis notre arrivée en Chine nous y tombons sur un stand qui vend du chien grillé. Bien qu'il soit connu que les chinois consomment du chien, ce n'est en fait pas le cas de toute la Chine mais principalement du sud du pays. C'est par ailleurs un plat de « fête » qui reste donc très occasionnel. Le plus étonnant étant peut-être que de plus en plus de chinois ont tout de même un chien pour animal de compagnie. Pour nous la vision du meilleur ami de l'homme cuit à la broche est quand même difficile à soutenir. La Chine est loin d'être un pays végétarien, on trouve de la viande dans de très nombreux plats, mais au moins ils ont le méritent d'avoir toujours une certaine « connexion » à l'animal entier, si on peut dire. Sans être végétariens, nous sommes de plus en plus convaincus qu'il est important de rester conscients que l'on mange un être vivant. Et ceci ne peut que se faire qu'en voyant l'animal dans son intégralité et non juste une pièce de viande, générique, isolée et joliment emballée, permettant finalement de décomplexer notre part de carnivore et de la soustraire à toute empathie. Une rencontre fortuite avec notre bakery favorite et sa succulente brioche, nous sauve de cette vision qui remue encore en nous des questions existentielles (pourquoi ressent-on nous une certaine révolte voire dégoût devant un chien cuit alors que nous serions mis en appétit par la vue d'un agneau au méchoui ?).
Nous continuons notre route vers le nord, nous fixons rendez-vous avec Laura et Benoît qui quittent Kunming, nous devrions nous croiser sur la route. Notre rencontre aura lieu sur la rive du lac Fuxian, à environ 120km de Kunming. Faute d'avoir pu trouver un coin de bivouac pratique pour passer une soirée ensemble (la rive Est du lac est une réserver naturelle et le camping y est prohibé), c'est un petit déjeuner que nous partageons, dans un petit port donnant sur le lac. Nous nous racontons nos péripéties depuis Ya'an et échangeons nos adresses d'hôtels contre le contact Warmshowers où ils sont restés à Kunming. Vient le moment des au-revoirs, cette fois nous ne nous savons que nous ne nous recroiserons pas avant nos retours respectifs en France.
Nous remontons le lac par cette agréable petite route de la rive est avant de poser notre dernier bivouac chinois au pied de la dernière colline nous séparant de l'agglomération de Kunming.
L'arrivée dans la ville se fera assez simplement via une longue avenue bordée d'une piste cyclable. Les grande ville chinoise sont équipées pour le vélo, quel plaisir. La capitale du Yunnan est appelée la ville au printemps éternel, à 1900m d'altitude, il y fait effectivement doux une grande partie de l'année. Nous nous rendons chez Claire, l'hôte Warmshowers conseillé par Laura et Benoît mais chez qui Andy et Mimie ont aussi passé plusieurs jours. Claire donne des cours d'anglais, a 45 ans elle a prit sa bicyclette depuis son Pays de Galles natale direction l'Inde, elle s'est finalement arrêté en Chine mais va devoir repartir en avril 2019 à expiration de son visa. Michael, cycliste allemand que nous avions déjà rencontré dans notre hostel de Dushanbé, arrive le même jour que nous chez notre hôte. Nous passons 4 jours fort agréables à discuter avec nos deux aînés. Claire est vraiment adorable, elle héberge des cyclos sans répit en cette période, mais ça lui plaît. Elle habite dans un de ces « communities », quartiers résidentiels récents et sécurisés, composés en général de tours toutes identiques avec commerces et commodités en pied de rue. Le sien est particulièrement calme et agréable avec son parc en bas des immeubles en briques rouges (rappelant quelque peu l'Angleterre) où les petits vieux en pyjamas font leur exercice quotidien. Nous occupons nos journées entre : chasse aux baos pour nos derniers petits-déjeuners chinois, emplettes chez Décathlon et chez Carrefour (on a retrouvé du chocolat noir!!!), chercher un carton pour le baptême de l'air de Georges (ce qui vaudra à Clarisse de marcher 4 km dans la ville en portant notre trophée), empaqueter Bob, que nous expédions en France pour finir le voyage en mode léger, et nos affaires chaudes qui vont elles nous attendre à Singapour et bien sûr partager quelques bières avec Claire et Michael.
6 novembre au soir, pétage de bide en règle au buffet « all you can eat » végétarien préféré de Claire. Un stéréotype de Clarisse est tombé : on va quitter le pays sans avoir manger un seul nem, non toute la Chine ne mange pas des nems ou les trucs gras et frits que nous connaissons en France (qui est plutôt signification de la nourriture cantonaise). Nous disons au revoir à nos amis, un taxi nous amène à l'aéroport avec Georges bien emballé dans son carton. Etant totalement en dépassement de bagages et ne sachant pas vraiment si le vélo va être accepté facilement, nous préférons passer la nuit à l'aéroport afin d'être les premiers au check-in. Finalement tout se passera comme sur des roulettes, on est super contents d'avoir un tandem démontable et donc rentrant dans un carton de vélo standard. Bon par contre ça nous a coûté une presque nuit blanche.
Nous quittons donc la Chine après 58 jours et 2500km sur son territoire. Nous y avions finalement pris nos habitudes culinaires (bien que nous ne comprenons toujours rien aux menus), acquis un vocabulaire minimum permettant la survie, et bien sûr avions eu le temps de nous accoutumer aux chinois et leur manière d'être. A leur propension à toujours essayer de nous filmer ou de nous prendre en photo sans nous demander, à leur manie de regarder par dessus notre épaule lorsque nous utilisons notre téléphone, à leur obstination à nous parler en chinois alors que nous leur disons que nous ne comprenons pas, avant de se mettent à écrire en idéogrammes (ben oui c'est leur accent qu'on ne doit pas comprendre, on doit forcément savoir lire le mandarin !). Nous avions appris à accepter le bruit ambiant qui règne dans le pays (nous sommes admiratifs de leur résistance aux sons répétitifs, à croire qu'ils ont un filtre auditif), à supporter leur curieuse manière de téléphoner : appel vidéos où chacun des interlocuteurs braille sur l'autre (on peut suivre ce que dit la personne au bout du fil sans problème) ou leur habitude à renacler le plus fort possible avant de cracher. Mais après ces deux mois, nous avions aussi compris qu'il faut parfois s'imposer, notamment lorsqu'il font preuve d'irrespect pour le sommeil des autres dans les hôtels et auberges de jeunesse, ou lorsqu'ils arrivent en gueulant dans un lieu calme (on dit souvent que les latins parlent fort... pour nous les chinois sont encore un niveau au dessus). Mais nous nous rappellerons surtout qu'en insistant on arrive toujours à leur arracher un sourire et que malgré la barrière de la langue, ils ont en général essayé de nous aider (certes souvent lorsqu'on n'en avait pas besoin), et nous ont toujours bien accueillis et respectés. Quoiqu'il en soit, nous avons apprécié ce long séjour dans l'Empire du Milieu (en mandarin Chine se dit Zhong gùo, qui signifie littéralement "pays du milieu", Fagùo, la France, signifie "pays des lois") et en particulier bien profité de la cuisine locale !
Un nouveau pays nous tend les bras, le 17e de la route, avec ses coutumes propres, certaines sûrement agréables, d'autres qui nous agacerons forcément, en tout cas une nouvelle fois très différentes de celles que nous avons côtoyées jusque-là. Une fois de plus, nous repartons donc à zéro et abandonnons les quelques repères acquis par la pratique du terrain du pays que nous quittons. Ce nouveau départ est à chaque fois emprunt d'excitation, mais il faut l'avouer, après ces 8 mois de voyage, c'est de plus en plus fatiguant.
Les photos de notre séjour chez Li ici
Toutes les photos du Yunnan ici
Et si vous voulez vous marrer, en prime l'extrait des news locales de Qionglaï où nous sommes en guest-stars ici
Quelques liens supplémentaires pour les plus curieux.
Pour ceux qui veulent avoir plus d'information sur ce qui se passe au Xinjiang, voici une vidéo et un article.
Ou si vous n'avez pas encore entendu parlé du Social Credit System qu'est en train de mettre en place le gouvernement chinois, lisez ceci ou pour ceux qui ont le temps une (longue) vidéo.
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