Malgré le confort du bus, un voyage de nuit n'est jamais vraiment reposant. Après un long moment en ligne droite, la route devient sinueuse, le bus s'arrête plusieurs fois... difficile de dormir. Vers 3h30 du matin, nous marquons une longue pause à Ercizan, je me réveille et sors. Deux autres bus sont arrêtés au même restaurant qui grouillent de monde : hommes barbus fumant la cigarette et femmes voilées des pieds à la tête, ce n'est plus la Turquie occidentale !
Nous arrivons à Erzurum à 7h du matin le 30 Avril et, après avoir remonté le tandem et bu un çay notre premier objectif est le consulat iranien pour y récupérer nos visas. La gare routière est à 10km du centre, en faut plat montant, avec le vent de face... dur réveil ! Les montagnes derrière Erzurum sont encore partiellement enneigées, une station de ski domine la ville.
Le passage au consulat sera une simple formalité, si ce n'est qu'il faut faire un aller-retour dans une banque pour payer le visa (en liquide bien sûr) et ramener le reçu. J'en profite pour retirer des dollars car certaines banques turques le permettent (notamment la TEB, joint-venture de BNP Paribas où on peut aussi retirer des euros) et nous savons que pour l'Iran il nous faudra du liquide. En 1h c'est plié, nous avons nos visas de 30j pour l'Iran !! Avec une note de rectification en perse sur celui de Clarisse car j'ai écrit un chiffre de trop dans son numéro de passeport lors de la demande du e-visa, « bien joué Alex ... ».
Deuxième objectif du jour, nous rapprocher de la frontière avec la Géorgie via un moyen de transport. Nous devons "gagner" du temps car désormais nous avons rendez-vous le 24 mai à Téhéran avec mon père et nous devons y être quelques jours avant pour nos demandes de Visa turkmènes et chinois, les deux bêtes noires du voyage. Les visas sont désormais le centre des discussions et des inquiétudes du groupe WhatsApp duquel nous faisons parti, c'est d'ailleurs hyper pratique pour recevoir des infos de ceux qui font les demandes avant nous. La référence pour les infos sur les Visas des pays de la route de la soie est un site web nommé "Caravanistan", il regorge de précieuses informations sur les formalités, les frontières et un forum pour avoir des comptes-rendus de voyageurs.
Nos visas en poche, nous envoyons un message à l'ami Tony qui est à Erzurum depuis la veille ! Décidément, nous nous suivons ! Nous nous donnons rendez-vous à la gare car le train semble une bonne option mais ça n'a pas l'air gagné pour les vélos : il a eu deux sons de cloches entre la veille et ce matin.
Uniquement deux trains par jour passent par Erzurum ; Dans un sens c'est le train Ankara – Kars (proche de l'Arménie et de la Géorgie), dans l'autre Kars-Ankara... ce train ce nomme le Dogu Express. C'est un vestige des grandes lignes de trains qui parcouraient la région, il faut 24h pour aller d'un bout à l'autre de la ligne.
Je demande au guichet, pas de problème pour le train mais impossible pour les vélos ! Pourquoi ? Réponse : "c'est bon tous les jours sauf le mercredi"... ça pu la mauvaise volonté ! Surtout que le jeune que nous avions rencontré à Kayseri nous a dit qu'il y a un wagon pour les vélos. Nous retrouvons Tony et nous allons boire un çay à la guinguette du quai de la gare, bien nous en a été ! Nous expliquons (en turc bien entendu) notre problème à Sisan qui reste dubitatif, un "policier" ou un agent de sécurité de la gare est avec lui, il semble aussi surpris... pour eux pas de problème pour les vélos quelque soit le train. Ils téléphonent à quelqu'un et me le passe. Il parle anglais ! Au bout du fil, je m'entends dire :"Wait I am coming". Ok, de toute façon le train est à 14h30, il est 11h on n'est pas pressé et on n'a pas d'autres plans ; Les bus, c'est compliqué et il y a un fort vent d'Est dans la direction que nous devrions prendre donc nous ne sommes pas du tout tentés de partir en vélo.
Nuri (le mec au bout du fil) finit par arriver, il travaille à la gare et il est aussi guide de montagne l'été : il accompagne des touristes pour gravir le Mont Ararat (permis trop cher me glisse-t-il) ou un autre 4000 en Géorgie (plus intéressant). Il appelle le boss de la gare pour nous arranger le coup, puis nous allons avec lui dans les bureaux derrière le guichet. Après moultes tergiversations de ses collègues, c'est OK, on peut prendre le train avec nos vélos. Puis nous passons plusieurs heures à attendre le train en buvant des çay chauffés sur le samovar de Sisan (dans lequel il fait brûler des planches dont certaines sont peintes... sympa la fumée !), avec différentes personnes qui passent leur journée à la gare alors qu'il n'y a que deux trains qui passent. On se fait des amis, on est l'attraction de la journée ! Le train arrivera finalement à 15h45, après une dizaine de fois où Nuri m'a dit "the train should be arriving in next 10 min" (ce à quoi je lui rétorquais "inch'allah!").
Nuri et un autre jeune homme dont nous ne connaissons pas le nom, nous aide à mettre les vélos dans le wagon prévu à cet effet., qui est... vide ! Tout ce cinéma pour un wagon vide ! Sans nos amis de la gare nous n'aurions pas eu le droit de mettre les vélos (d'ailleurs Nuri a dû encore argumenter avec un de ses collègues que le boss était OK pour nos vélos). Nous voilà donc enfin embarqués direction Kars pour notre 1ère expérience de train turc !
Le paysage est superbe et prend des allures de steppes, nous sommes à 1800m d'altitude mine de rien et la végétation est rase dans cette région au rude climat hivernal. Au moment où je m'éloigne pour piquer un somme, nous passons une gare où un groupe de jeunes armés de kalachnikov attend... bien sûr, il faut qu'ils montent dans notre wagon ! Super rassurant les jeunes de 20 ans avec des mitraillettes, heureusement qu'ils sont souriants. Au bout d'un moment un militaire en uniforme qui semble les encadrer et un autre accompagné d'un chien parcourent le wagon : contrôles des passeports et inspection des bagages par le chien. Nous n'en saurons pas plus mais nous pensons que ce sont des jeunes effectuant leur service militaire et que le contrôle du train était une sorte d'exercice grandeur nature.
Nous arrivons sans plus de surprises à Kars (ancienne ville Arménienne) après la tombée de la nuit (retard du train oblige !) et nous nous trouvons un hôtel, plutôt classe, pour la nuit.
Tony se rend aussi en Géorgie, nous allons donc pédaler de nouveau ensemble pendant quelques jours. Nous en sommes heureux, nous nous sentons plus prêts qu'au début à être accompagnés (lassitude d'être en huit-clos ?).
Kars est à 65km de Gyumri en Arménie mais la frontière n'est pas franchissable ce qui nous oblige à faire un détour vers le nord par la Géorgie. Tony nous dit qu'il compte emprunter le petit poste frontière de "Cildir – Kartsakhi" qui est le plus proche de Kars. Nous n'avions pas imaginé cette possibilité et nous sommes contents d'éviter un détour encore plus grand pour le poste frontière suivant. Nous faisons des emplettes avant le départ car il n'y aura plus de grande ville avant quelques jours. Nous faisons notamment le plein de fruits secs : amandes, raisins secs, figues et abricots secs (qui sont peu chers et excellents en Turquie) et de légumes frais.
Comme à l'habitude, nous nous battons corps et âme pour ne pas sortir du magasin avec 10 sacs plastiques ! Il est extrêmement difficile de faire comprendre que nous voulons réutiliser ceux que nous avons ou, tout simplement, que nous n'en voulons pas. La caissière semble nous dire "mais puisque je te dis que c'est gratuit, prends-le !". Nous passons pour des extraterrestres dans ce pays où les clients vont plutôt en prendre deux fois plus que nécessaire : ben oui, c'est gratuit et puis bon on sait jamais, un sac bon vieux sac plastique ça sert toujours et au pire ça se jette dans la nature. La « route de la soie » a d'ailleurs été rebaptisée la « route du plastique » par Tony au vu de la quantité de déchets dérivés du pétrole jonchant les bas-côtés des routes ; une constante universelle de tous les pays traversés, France comprise. Notons tout de même que certains petits commerçants accueillent avec bienveillance nos sacs en tissus emportés de France.
Nous quittons la ville - ah non !, une boulangerie, profitons encore des pide (grand pain aplati) ! Cette fois c'est la bonne, nous passons devant l'église (notre 1ère véritable église depuis longtemps ! Rien d'étonnant, Kars ayant été une ville arménienne) puis au pied du fort et nous prenons une petite route peu fréquentée pour nous éloigner de la ville en suivant une gorge. Quelle n'est pas notre surprise lorsque nous voyons de nombreuses mouettes sur un plan d'eau ! Nous ne sommes pas très loin de la Mer Noire après tout...
Pause près d'un village où passe un cours d'eau, des enfants pêchent à la ligne (au sens propre), au bout d'un moment l'un d'eux vient nous voir avec un poisson à la main ! "Teşekuller, mais ça ira" (« Non merci »)... un peu trop compliqué et il risque de se gâter avant le soir venu.
Nous prenons de l'altitude pour atteindre le lac de Cildir (Cildir golü) a plus de 2000m. On passe dans Arpaçay pour se faire offrir un... çay. Le 1er commerçant veut prendre en photo Tony qui lui lance alors en plaisantant un "bir fotografia, bir çay" (= « 1 photo, 1 thé »). C'est parti pour le thé.. le barbier d'à côté arrête net de s'occuper de son client et sort pour nous voir... avant de se faire rappeler par son client qui l'attend la barbe pleine de mousse ! Je finirai dans son salon à discuter (tant bien que mal) avec ce jeune barbier sympathique. Je lui demande des conseils sur la route rive ouest du lac, il me parle de police, de sécurité, de route impraticable... et me conseille de prendre la nouvelle route rive est. Tony flaire le coup ; Comme d'habitude la grande route toute neuve est forcément la seule bonne option pour eux (quand ce n'est pas l'autoroute). Qui voudrait aller sur une piste sans circulation ? Ben, nous !
On se lance donc à l'assaut de la piste, qui est en très bon état et nous nous trouvons un bivouac de qualité avec vue sur le lac. En plus, on aura le soleil au lever du jour, non négligeable vu la température à cette altitude... bref, la piste était une bien meilleure idée que la grande route !
Mercredi 2 mai, notre dernier jour en Turquie. On commençait à maîtriser les rudiments de la langue, à avoir nos habitudes pour les en-cas et autres repas, à connaître les prix... nous allons tout recommencer à 0 !
Nous continuons la piste au bord du lac jusque Cildir où nous allons boire un dernier çay dans une çaykhane. Tony tire le portrait d'un vieux attablé qui a "une bonne gueule". Sa technique pour demander : il pose la question en français, il n'obtient en général pas de réponse.. et qui ne dit mot consent, comme nous le savons tous. On reste un moment et le patron ne voudra pas que nous payons nos çay, on se prend alors en photo avec lui devant son échoppe en guise de remerciements. Il est heureux que nous nous soyons arrêtés chez lui, il suit désormais Clarisse sur Instagram et nous a dit depuis qu'il nous offrirait le thé de nouveau si nous repassons par là. Inch'Allah !
On passe un petit col un peu difficile mais vraiment très beau et nous apercevons le lac Aktaş et le poste frontière qui est bien plus gros que prévu. Dans tous les cas, il est peu fréquenté car il n'y a pas foule sur ces routes. Une 4 voies avec tunnel est en cours de mise en place côté turc, la norme du pays s'étend jusqu'au confins du territoire ! Nous dévalons la colline sur cet asphalte tout neuf jusqu'à la douane. Nous quittons la Turquie après 22 jours qui nous semblent une éternité vu tout ce que nous y avons vu et vécu (Vous aussi hein ? Après tout ce que vous avez lu !).
Nous passons avec les vélos dans les couloirs pour piétons (pas très pratique mais néanmoins abrités du soleil), on se croirait dans les couloirs d'un aéroport. Douane géorgienne... nos sacs doivent passer dans le scanner. En Géorgie plusieurs molécules pharmaceutiques sont interdites, notamment la codéïne qui est présente dans certains anti-inflammatoires... Tony a une tablette de médicaments en vrac dans son sac: elle est détectée dans le scanner. Vu qu'il n'y pas la notice associée, les douaniers vont sur internet pour chercher la composition, c'est bon.
Notre trousse à pharmacie est tellement compactée et au fond du sac qu'ils ne l'ont probablement même pas vu car nous n'avons pas eu à leur montrer... Heureusement, elle était sacrément fournie. On change nos dernières livres turques en monnaie locales, l'équivalent de 10€, ça devrait suffire pour 48h. Nous entrons donc rapidement en Géorgie sans soucis et les douaniers étaient, somme-toute, plutôt sympas : bonne pioche ce poste de douane ! (Il peut y avoir de très grosses différences de durée ou de "problèmes" selon les postes frontières d'un même pays!)
On pique-nique dans le 1er bosquet après la frontière et on part à la découverte de ce nouveau pays. Nous sommes toujours dans un paysage de steppes avec quelques collines encore partiellement enneigées, il doit faire très froid l'hiver et il n'y a pas de bois pour se chauffer : les habitants se chauffent à la bouse de vache séchée. Nous voyons de nombreuses parcelles où le fumier a été déposé et tassé pour le laisser sécher puis ils découpent des "briques" à la pelle qu'ils relèvent sur leur flanc (pour qu'elles sèchent de nouveau) avant de les entreposer pour l'hiver. Nous sommes en mai, le printemps arrive à peine (Tony ne manquera pas de nous le faire remarquer régulièrement) et il faut déjà penser à l'hiver suivant... rude vie.
Nous n'avons théoriquement que 60km de Géorgie à faire mais nous avons choisi de faire durer un peu le plaisir en allant voir la gorge de Vardzia conseillée par Torsten, l'allemand rencontré chez Kostas à Zitsa (Grèce). Ça nous permet aussi de passer encore un peu de temps avec Tony qui ne prend pas la même route que nous. Il va vers Tbilissi et l'Azerbaïdjan pour traverser la mer Caspienne en cargo, nous descendons en Arménie puis en Iran pour la contourner par le sud : les deux options actuelles pour la ruée vers l'est car avec la récente guerre en Ukraine, assez peu de cyclistes s'y aventurent...
Nous nous arrêtons demander de l'eau à un vieil homme arrosant son jardin, il nous amène dans la cours de la maison où deux hommes, les mains noires de cambouis, bricolent un vieux tracteur soviétique bleu qu'ils ont carrément coupé en deux. Avec leurs gueules crasseuses, ils pourraient être des figurants de Germinal. Le vieux allume une pompe et remplit nos bouteilles, l'eau n'a pas l'air bien nette. On se fait confirmer tant bien que mal que le chemin que nous voulons prendre permet bien de se rendre vers Vardzia, ça sent la sente à travers champ mais ça nous évite un sacré détour. Ils confirment mais sont dubitatifs sur le fait d'y passer à vélo, on verra bien.
Nous quittons le village de Sulda par une piste défoncée, nous comprenons qu'ici c'est fini les 4 voies bien lisses à la mode turque, bienvenue sur les routes défoncées et peu (voire pas) entretenues, l'ambiance nous rappelle l'Albanie : ce sont des pays n'ayant pas encore versé dans la modernité.
Village suivant, on trouve une fontaine bien plus inspirante que l'eau récupérée précédemment. Nous sommes l'attraction. On continue la piste et une voiture nous double, s'arrête, les deux occupants, sortent en moins de deux la bouteille de vodka et les verres et nous hèlent. Nous ne sommes pas vraiment d'humeur à tomber dans le traquenard, nous voulons trouver un coin de bivouac discret et nous poser... désolé les gars ! On bifurque à droite et la piste disparaît pour devenir une simple trace de passer de véhicule dans l'herbe, une forêt "artificielle" de sapins nous cachent de la piste, le terrain est plat... le tour est joué ! Cette première nuit géorgienne s'annonce bien, l'orage est proche mais nous évite et nous sommes seuls dans ce paysage superbe.
Au réveil, nous continuons notre piste que nous quitterons rapidement pour dévaler la colline dans l'herbe, ça secoue moins, du vrai hors-piste ! Devant nous s'étale une immense plaine entourée de montagnes ; Les paysages du Caucase nous ravissent déjà. Nous retrouvons la route qui longe des champs où est, a priori, cultivée la pomme de terre (il y a des tas de patates au bord de la route). Au premier village un groupe de personnes, femmes comprises, s'évertue à pousser un tracteur bleu (identique à celui de la veille) pour le faire démarrer. Nous les aidons avec Tony, ça démarre ! On espère qu'ils n'ont pas à faire ça tous les jours. Nous arrivons à Apnia (village qui surplombe la gorge) et le village troglodyte de Vardzia 400m plus bas, nous nous contentons de la magnifique vue car l'état de la route (non-bitumée et qu'il faudrait remonter) coupe nette toute envie de descente. Nous allons plutôt longer la gorge sur le plateau, les villages semblent partiellement abandonnés, de nombreux édifices identiques et en friche semblent dater de l'ère soviétique, peut-être que cette région agricole accueillait des kolkhozes .
Nous passons devant le "lycée" de Gogasheni, les élèves sont dehors et viennent nous voir, la jeune professeure d'anglais nous pose quelques questions. Cela semble être le lycée pour tout les villages environnants. Nous lui disons que nous nous rendons à Kumurdo, le village suivant, "Why do you want to go there ?" nous lance-t-elle, "To catch the main road", tout simplement... Elle nous demande ensuite "Do you know the way ?", "We have GPS" répondons-nous. Nous comprenons un peu plus tard pourquoi cette question : il n'y a pas vraiment de route, nous voilà de nouveau en hors-piste à travers champs à suivre une trace de véhicule dans l'herbe... qui s'avère être la "route" indiquée sur nos cartes. Je reste vraiment épaté que ce genre de piste soit sur les cartes ! En tout cas, le paysage est superbe et nous ne regrettons pas notre choix, ça roule d'ailleurs mieux que sur pas mal de pistes... Nous apercevons au loin un berger à cheval regrouper ses moutons avec en fond les montagnes enneigées au-dessus de la gorge. Un camion, sorti tout droit de l'époque soviétique lui aussi, sort de nul part et nous double : c'est bien un chemin emprunté par les véhicules.
Nous arrivons enfin à Kumurdo où les rues plus ou moins pavées (elles l"ont sûrement été) y sont en bien plus mauvais état que la piste à travers champs ! Nous retrouvons finalement le bitume avec un plaisir non dissimulé et nous filons sur Akhalkalaki par une route étonnamment neuve. Découverte de notre première ville géorgienne, on y croise des vieilles Lada, des voitures défoncées (régulièrement sans pare-choc avant), des gros 4x4 flambants neufs de marque allemande... Il y a aussi de très nombreux bars de machine à sous (Slot bar). En Géorgie (et en Arménie aussi) les conduites de gaz ne sont pas enfouis mais aérienne, c'est assez surprenant, il y a donc des tuyaux plus ou moins gros qui bordent routes et rues. En cas d'accident de voiture mieux vaut ne pas en percuter une...
C'est jour de marché, on veut faire le plein pour la soirée et le jour suivant avec l'équivalent de 10 euros en monnaie locale. Il y a pas mal de monde dans la rue, le tandem attire les regards, j'ai faim... je sature un peu. Nous prenons un kebab et filons manger dans le parc où nous achetons une bouteille de 50cl de coca pour 20 centimes d'euros, le coût de la vie semble assez faible ! Clarisse et Tony repartent au marché, ils reviennent avec pain, pomme de terre, œufs, bière et.. vin géorgien (Tony en rêve depuis longtemps). On quitte la ville pour aller dormir plus loin. La route est infernale : bitume en mauvais état, faux plat montant et vent de face... cette fin de journée joue avec nos nerfs et avec le hors-piste du début de journée nous sommes claqués. Nous laissons tomber l'objectif initial et bifurquons vers un beau bosquet où il semble qu'il y ait un restaurant (donc de l'eau !). Une dame est assise sur le perron, elle nous indique un robinet, nous lui demandons également si on peut camper à côté. Nous comprendrons ensuite qu'elle n'avait aucun lien avec le restaurant qui est par ailleurs fermé. Il fait assez bon pour la douche-nature, on en profite avant que la météo ne change... c'est bien menaçant et on fini par prendre quelques gouttes mais la bâche de Tony nous permet un sympathique repas arrosé de vin local pour notre dernier soir ensemble.
Au réveil, tout est bien humide et nous prenons notre temps pour partir secs. Nous nous rendons à Ninotsminda, où nous nous prendrons des routes différentes. Nous dégotons avec un peu de mal de seul "snack" qui a le Wi-Fi, et qui sert aussi du café. Les Géorgiens semblent être des amateurs de cafés, de nombreuses boutiques en vendent en grain ou moulu, mais par contre pas facile de trouver un "café-bar" et encore moins un bon espresso ! Tony a obtenu son e-visa pour l'Azerbaïdjan, il est rassuré. Nous le quittons une nouvelle fois mais cette fois pour de vrai devant ce snack géorgien, lui que nous avions rencontré dans une çaykhane turque il y a plusieurs semaines, peut-être nous reverrons-nous au Kirghizistan, on en sera heureux en tout cas.
Nous voilà de nouveaux seuls, direction l'Arménie à 30km de là... La route est peu fréquentée et prend un peu d'altitude, nous sommes toujours autour de 2000m dans ce même paysage de steppes qu'à la frontière turque (qui n'est pas bien loin à vol d'oiseau). La chaussée est en bien mauvais état et les voitures zigzaguent entre les nids de poules (ou plutôt cratères).
Dans le dernier village avant la frontière nous croisons Luke, américain, et Janneke, hollandaise qui se sont rencontrés en Chine et ont respectivement 1 an 1/2 et 2 ans 1/2 de coups de pédales derrière eux... échanges d'infos sur l'Arménie et la Turquie, nous leur recommandons Emrah et Nilgune s'ils veulent s'arrêter à Kayseri.
Nous sommes enthousiastes de notre vécu respectif de ces pays.. à chacun de s'en faire sa propre idée désormais.
Nous passons la douane, où les trous dans la route font largement office de ralentisseurs. Les bâtiments sont bien moins modernes que ceux de la douane turco-géorgienne mais les douaniers arméniens sont sympathiques, ça commence bien !
Peu de changement de ce côté-ci de la frontière, si ce n'est que les panneaux sont désormais en arménien, typologie tout aussi illisible que le géorgien pour les néophytes que nous sommes. Nous avons choisi de faire un tour vers le lac Arpi, très proche de la Géorgie et de la Turquie, avant de descendre vers Gyumri. Nous avons donc besoin de provisions pour les 2 jours qui viennent et nous nous arrêtons donc à la 1ère épicerie de Tavshut. Nous faisons le tour de ce qui se vend ici et nous faisons le plein : pain, gâteaux, légumes et... dattes qui ne coûtent rien (moins de 2€ le kg !). Au moment de payer le commerçant nous fait comprendre qu'il ne veut pas que nous payions, c'est cadeau ! Nous sommes surpris et gênés surtout que nous avons pris pas mal de produits... Nous insistons. Il nous sort des billets en vrac d'un grand sac plastique, nous mimant qu'il a déjà largement assez d'argent... Nous restons pantois. Nous le remercions infiniment (en Arménie on peut employer "Merci" ce qui nous simplifie la tâche). Nous repartons sous le choc de ce 1er contact extraordinaire avec les arméniens et nous nous arrêtons peu après pour grignoter nos achats au soleil. Cap à l'ouest, nous avons un peu l'impression de ne pas avancer par rapport à notre itinéraire arménien : Nord-Sud pour rejoindre l'Iran. Au village suivant des policier (ou militaires) nous demandent nos passeports, à mon avis un excès de zèle, et nous posent une question en russe que nous ne comprenons pas, ils abandonnent. Je pense qu'ils nous ont demandé si nous étions journalistes. Nous tombons sur des panneaux explicatifs sur le lac Arpi, c'est une réserve naturelle autour des 2000m d'altitude qui accueille de très nombreux oiseaux migrateurs : mouettes arménienne, pélicans, cigognes... Toute la région est d'ailleurs une zone importante de passage pendant la migration et le moindre poteau électrique héberge un nid de cigogne.
La berge du lac est immense, c'est une prairie rase, nous avançons le plus possible pour ne plus pouvoir être distingués facilement de la route, puis nous plantons la tente, verrue verte sur ce replat. Premier ennuie technique : j'ai remarqué que le pneu arrière touchait un peu le cadre. La roue est voilée et vu que je suis loin d'être un expert, ça me prend un bon moment pour la dévoiler en me servant de 2 crayons à papier Maped (bien sûr) comme guide de voile. Impossible de prendre de l'eau dans le lac car vaseux, Clarisse marche donc 2 km pour faire l'aller-retour aux maisons les plus proches. Nous sommes à moins de 20km à vol d'oiseau du lac Cildir où nous avions dormi 3 jours plus tôt.
Nous sommes habitués aux réveils cacophoniques par le chant des oiseaux depuis le départ mais ce premier matin en Arménie a la palme, c'est un véritable concert. La nuit n'a d'ailleurs pas été très calme et un vol d'oiseaux non identifiés avec des cris plutôt inquiétants nous a réveillés.
Le ciel se voile rapidement par l'ouest, perdu pour voir le lac Arpi sous un beau soleil. Nous levons le camp la tente encore humide, ce n'est pas ici qu'elle séchera. Nous cherchons de l'eau pour nos gourdes, fini les fontaines jalonnant les routes turques. On réalise que la Turquie est un pays franchement développé par rapport à ses voisins. Nous en demandons à un homme âgé au détour de notre traversée dans le village. Clarisse l'accompagne chez lui et s'attend au pire au vu de l'état et du capharnaüm extérieur de la maison. Qu'elle n'est pas sa surprise de trouver un intérieur propre et coquet : carrelage, lustre et vieux meubles en bois... L'habit ne faisant pas le moine, les façades austères et décrépies des maisons arméniennes ne laissent rien présager de leur confort intérieur.
Nouvel arrêt à la supérette, nous comprenons vite que cette fois on ne va pas nous offrir nos courses, on est plutôt sur la moquerie de l'étranger qui ne comprend rien. Mais lorsqu'ils voient le vélo dehors, les visages changent d'expression. Nous n'avons que 30 km à faire avant Gyumri où nous voulons en profiter pour aller un peu sur internet avant de continuer direction Yerevan. Le ciel est chargé et la pluie finit par s'inviter à la fête ! Çà nous met presque en colère, on l'avait oubliée celle-là après 1 mois et demi de soleil en Grèce et Turquie... et elle ne nous manquait pas ! Finalement ça s'arrête assez vite et on fait une pause proche d'un arrêt de bus pour sécher et se restaurer, le soleil revient, et le sourire aussi.
Nous approchons de la ville et de nombreux immeubles abandonnés, en construction ou destruction (on hésite) jalonnent les champs environnants. Nous nous rendons au centre ville, nous arrivons sur la place principale, Vardanants Square, avec sa belle statue et son église du Saint-Sauveur. Puis nous trouvons un sympathique salon de thé avec le Wi-Fi qui fait de supers jus de fruits frais. Nous restons là bien deux heures et nous nous apprêtons à partir, nous avons choisi l'itinéraire pour Yerevan : contourner par le nord le Mont Aragat, sommet le plus élevé du pays à 4001m. Nous levons les yeux et voyons qu'à l'extérieur c'est le déluge ! Nous attendons encore bien 1h30, il est désormais 17h, la météo a décidé de nos plans : nous allons passer la nuit à Gyumri, au sec. Nous trouvons une « guesthouse » pas chère où il y un jardin, nous nous y rendons entre deux averses, les rues sont détrempées. Nous passons devant la statut de Charles Aznavour sur la place à son nom. Suite à un tremblement de terre qui a fortement touché la ville dans les années 90, il a créé une fondation qui a permis de lever plusieurs millions de dollars et il a aussi contribué de sa poche à hauteur de 2 millions de dollars. La ville lui est donc reconnaissante, lui qui est un enfant du pays.
Guesthouse trouvée : la dame est sympa, la chambre confortable et Georges est à l'abri dans le garage, all good. Nous sortons pour manger et nous ne trouvons qu'une sorte de fastfood qui ne nous dit guère au premier abord. En parcourant le menu, en russe, on voit qu'il font finalement de tout : soupes, omelettes, burgers, kebab, schnizel, frites... et beaucoup d'autres choses que nous ne comprenons pas car les images sont de piètre qualité. Nous nous en sortons pour moins de 4€ malgré plusieurs plats et leurs frites sont maison, rien à dire !
Réveil à 6h ce 6 mai pour pouvoir faire une grosse journée de vélo. Nous abandonnons vite l'idée vu ce qu'il tombe encore ce matin. Nous ne voulons pas rester bloqués à attendre vu que nous devons avancer vers l'Iran et que nous savons que le sud de l'Arménie sera difficile. Du coup, nous choisissons le prendre le train pour Yerevan, un train part à 8h30, on file à la gare sous la pluie. Je décide de retirer quelques Dhrams en plus de la veille, ne sachant combien coûte le train. Sueurs froides, impossible de retrouver ma CB... je pense que je l'ai oubliée dans le distributeur car les billets sortent avant la carte, pas comme chez nous. Nous sommes dimanche, aucune certitude de retrouver la carte et j'en ai une deuxième (bien m'en a été), nous allons tout de même à la gare. Le train prend 3h pour rejoindre Yerevan et coûte 1000 Dhrams chacun, soit 1.7€ ! Aucun soucis pour les vélos, même pour le tandem.
Le train arrive, il a vécu ça se voit ! Nous montons dans le dernier wagon, les contrôleurs nous aident avec le tandem, c'est parti pour notre 1er voyage en train dans une ancienne république du bloc soviétique.
La ligne ferroviaire passe très proche de la frontière avec la Turquie, on peut voir les miradors de part et d'autre du lac et des gorges de l'Arkhurian, frontière naturelle. De l'autre côté se trouve Ani, ancienne capitale du royaume d'Arménie désormais sur le territoire turc.
Après un voyage plutôt agréable dans ce train à l'intérieur usé par le temps, nous arrivons à Yerevan : il ne pleut pas, youpi !
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