Le grondement des moteurs de l'avion paré à décoller me réveille. Nous nous envolons au-dessus des nuages qui ont envahis la ville. Depuis le petit hublot de la cabine, j'observe les plis des montagnes qui défilent sous nos pieds à 648 KM/Heure. Un peu d'émotion à l'idée de se dire que nous allons être projetés 800 KM plus loin en à peine 1h30 de vol alors qu'il nous aurait fallu tellement plus de temps à vélo. Après 8 mois à des allures toujours raisonnables, ce saut dans le temps semble improbable, presque un peu brutal ; nous revenons 1h30 en arrière sur la pendule au passage. Pas d'autre alternative cependant, notre choix d'itinéraire ne nous donne pas le temps de descendre en Thaïlande pour passer la frontière terrestre ouverte aux étrangers (cf explications d'Alex article « …. »).
Le service de bord (qui porte un uniforme très joli et très fleuri, par ailleurs) attire mon attention et me distraie de mes pensées. Les hôtesses passent dans l'allée pour nous servir une collation. Elles distribue de petits paquets en papier kraft aux couleurs de China Airlines. Je réveille Alex et je plaisante : « c'est la distribution des cadeaux ! ». Pour notre plus grande horreur, nous découvrons un petit pain au lait, un moelleux, un jus de fruits et une serviette pour les mains, tous emballés individuellement dans des sachets plastiques super épais et bien rigides. Le ramassage de tout cela n'inclura aucune forme de tri, bien évidemment. Je me dis alors « nous sommes des monstres de plastique... » consternée et coupable d'avoir accepté de manger tout ça, culpabilisant d'être dans cet appareil qui brûle pas mal de kérosène.
Après avoir pris 10 minutes pour récupérer nos bagages, 5 minutes pour acheter une carte Sim locale, 1 minute pour apprendre le vocabulaire de base (avec la vendeuse de Telenor), 1h pour remonter le vélo dans la chaleur écrasante de cette belle après-midi ensoleillée... Nous voilà fins prêts à tout recommencer ! Pour la 17ème fois du voyage... Nouvelle culture, nouvelle langue, nouveaux mœurs, etc. Cette fois, on l'aborde avec excitation. Dès nos premiers coups de pédales nous constatons que les infrastructures (la route et les accotements) sont correctes. On ne peut pas en dire autant des engins qui roulent sur la route, qui font des bruits et lâchent des gaz bien polluants... à l'approche de Mandalay. Le trafic se densifie, de nombreux coups de klaxons se font entendre. Dans une joyeuse cacophonie, on entend les interpellations lancées par les locaux : « Mingalaba ! Mingalaba ! » (l'équivalent de «hello!» ou « salut ! ») auxquelles nous répondons volontiers. Parce que oui, ici on a pas peur de parler, le birman est facile à prononcer, un soulagement après tant de galère en Chine ou personne ne nous comprenait. En Birmanie, ou devrions-nous dire dans la « République de l'Union du Myanmar », il y a beaucoup moins de différence d’accentuation des mots et des phrases selon les régions qu'en Chine, par exemple. L'état du Rakhine a une prononciation particulière mais toujours compréhensible des autres bamars (le groupe ethnique le plus important du pays).
Nous apercevons les premiers signes d'une culture oh-combien différente de la nôtre. On nous sourit ! Ah ah, ça fait drôle à dire et à lire hein ? Mais genre, on nous sourit vraiment et beaucoup et partout et tout le monde... ! Va savoir pourquoi, cela nous fait un choc. C'est qu'on a un peu perdu l'habitude des gens qui sourient autant, « gratuitement » si je peux dire, et particulièrement dans nos pays occidentaux. Je me réjouis déjà de l'accueil que nous recevons dans ce pays qui, parce qu'il a une histoire politique compliquée, est encore un pays « pauvre » mais super authentique où les locaux sont sincèrement heureux de voir des « étrangers » venir le visiter. Ça ne vous rappelle rien ? ,-) (article Iran).
Les filles et les femmes, d'une beauté exceptionnelle avec leurs cheveux longs et noirs de jais jusqu'en dessous des fesses, chevauchent scooters ou motos, assises à l'arrière en amazones ! Au delà de l'élégance, on s'interroge sur la prouesse technique quand on les voit faire des bons lorsque les motos passent sur les nids de poules ou grimpent des côtes bien raides. Ça devient carrément risqué (ou inconscient) quand on les voit des enfants en bas-âge dans les bras.. ! Elle ont sur le visage, les marques du Tanaka (issue d'un arbre, cette pâte sert de protection solaire rafraîchissante une fois appliquée sur la peau) qui met en lumière leurs traits, ni plus ni moins qu'un maquillage traditionnel. Certains hommes aussi en portent. En revanche, ce qui attire plus notre attention, c'est qu'ils portent quasiment tous le longi, une jupe longue nouée à la taille (devant pour l'homme, sur le côté pour la femme). Des mecs en jupes, ça faisait longtemps ! Bon, quand on y pense, le Myanmar est quand même très proche de l'Inde où beaucoup d'hommes portent des sari. On apprécie de voir que la plupart des enfants portent l'uniforme s'ils vont à l'école ou bien des vêtements dépareillés avec des trucs de super héros... sûrement des vêtements en seconde main qui ont été envoyés (= donnés) par des pays occidentaux.
Ce premier stop à Mandalay nous permet donc une rapide immersion dans la culture locale. On prend notre premier dîner dans la rue, sur un stand mobile, assis autour d'une table basse colorée en plastique, tellement basse qu'on penserait qu'elle sert plutôt à des enfants ou à des nains... bref, tout comme les locaux. Nous visitons à pieds le marché qui se trouve être à quelques rues de notre hôtel. Ambiance bazaar garantie ! Ça grouille, ça parle fort, ça s'agite. On adore ! On pensait s'acheter des tee-shirts ou chemises manches longues (pour se protéger des moustiques), finalement on abandonne et on a bien fait, ça ne servira pas. En revanche, on trouve la pharmacie et on s'achète du bon produit anti-moustique, sûrement pas terrible pour la peau mais efficace pour éviter de finir boursouflés car le soir venu, les moustiques attaquent. On a la crème à appliquer sur la peau et le spray pour les vêtements et, croyez-moi, c'était pas du luxe !
Une longue balade à pieds autour du palais, nous amènera sur la colline de Bouddha (surplombant la ville) d'où nous pouvons apprécier le calme et la vue sur les temples alentours. Je m'offre même une petite sieste réparatrice dans la montée. Drôle de surprise quand nous arrivons tout en haut... Nous nous retrouvons avec une cohorte de touristes qui ont pris l'ascenseur pour monter. Bien vu Lulu ! Ils sont venus apprécier la vue sur la plaine au coucher du soleil. C'est un jeune moine (19 ans) qui nous explique que le lieu est très prisé par les touristes à cette heure-là. Il parle bien anglais et apprécie de venir ici, plus que nous, car c'est l'occasion idéale pour lui d'aller discuter et pratiquer l'anglais. Aussi, j'observe avec curiosité et un amusement certain qu'un autre moine (plutôt la 30aine) aborde une jeune femme occidentale. Pas commun !
Et parce qu'une bonne première expérience ne peut se terminer ainsi, nous rentrons en tuk-tuk à l'hôtel... Yeahhh! Ma première fois à bord de ce petit véhicule à trois roues. Sur la plage arrière, le fils de notre conducteur (4 ans) dort sur ces deux oreilles malgré les à-coups et les secousses que la route nous impose. Nous nous endormons bercés par le ronron du ventilateur de notre chambre, avec l'image de cette ville illuminée par les centaines (ou milliers!) de LEDs colorées qui lui donne un charme particulier, peut-être une âme.
Parcourir le Myanmar, c'est s'émerveiller tous les jours de la beauté de tous ses temples. Et dieu sait s'il y en a ! Des temples bouddhistes dorés à la feuille d'or qui brille de milles feux et illuminent les campagnes. La colline de Sagaing en est une belle illustration. Après Mandalay, nous avons embarqué (tant bien que mal !) sur un bateau pour couper le fleuve Irrawaddy (voie navigable principale du pays) et sommes allés visiter ce lieu magique. Comme partout au Myanmar, on y trouve de nombreuses pagodes et un temple principal qui abrite un immense Bouddha. Les birmans sont très pieux. Ils viennent se recueillir et faire des donations tout en priant le Bouddha. Tout au long de ce voyage nous avons été surpris et parfois décontenancés face à la dévotion des gens, notamment envers les moines (les messagers du Bouddha). Ces derniers vivent des offrandes du peuple qui se plaît à leur donner nourriture et autres choses pour attirer le bon Karma. La vie doit être pavée de bonnes actions pour avoir un bon Karma. En aidant les moines, c'est du bon Karma facile. Okay, c'est bien. Mais quand même, on s'interroge. Ça nous intrigue un peu quand les gens aux abords des monastères nous aborde ainsi que les autres passants (voitures, motos et scooters compris) avec des bols en métal qu'ils agitent pour nous signifier qu'ils font la quête... tant de monde qui passe la journée à attendre dehors pour collecter des dons pour le monastère du coin. N'ont-ils pas d'autres choses à faire ?
On se demande d'ailleurs comment ils arrivent à supporter la joyeuse musique qui est crachée par les speakers juste derrière eux. Ils sont peut-être un peu sourds ? Ha ha ! Comme cela a été pesant pour nous qui campons... quand à 4h du mat' le monastère du coin (qu'on avait pas vu en cherchant le spot de camping la veille au soir, bien entendu !) allume les haut-parleurs... à croire que c'est le réveil-matin du village !?! C'est drôle car cela fait aussi partie des choses que nous avons apprécié dans ce pays. Une forme de légèreté, de gaieté, de joie de vivre transmise au travers de la musique qu'ils écoutent (très fort) dans les villages, dans les voitures… partout !
Le courant dominant dans le pays est le bouddhisme Theravada (qu'on retrouve aussi en Chine de l'Est, en Thaïlande, Laos et Cambodge) différent du bouddhisme tibétain (courant Vajrayana) ou encore, du bouddhisme de la Chine de l'Ouest (courant Mahayana). En ayant peu de connaissances sur les différents courants ou sur le bouddhisme en général, on aborde tout cela avec une grande naïveté et notre regard occidental. On se demande franchement comment c'est possible que des gens si démunis donnent sans fin aux moines et aux monastères... qu'ils collent des feuilles d'or sur les monuments et aux pieds des bouddhas quand on sait oh-combien l'or est précieux, compliqué à extraire et quel boulot cela représente de le marteler pour en faire de la feuille d'or... Alors que ce voyage nous a ré-appris la bienveillance et la générosité, on ne peut s'empêcher de se questionner sur tout ça. Bouddhisme birman … philosophie, religion ou secte ?! Nous n'avons pas la réponse et ne saurons en juger.
En route pour Bagan, sa plaine de temples et ses lumières, nous vivons notre premier challenge camping. Il y a ça de bon, en voyage à vélo : voir et vivre un voyage vraiment différemment ! Cependant, c'est toujours plus agréable quand on est pas dans l'illégalité... Ici, au Myanmar, camper est interdit. Les touristes sont priés de dormir dans les hôtels (éventuellement les guesthouses), uniquement ceux qui sont accrédités à les recevoir. Autant dire que ce n'est pas évident lorsqu'on voyage à vélo et que 150 KM (ou plus) séparent les villes où on trouve ces hôtels à touristes. Bon, de toute manière on avait pas l'intention de dormir à l'hôtel tous les soirs, comme d'habitude, on est contents de prendre une (vraie) douche tous les quatre jours quand on rallie un endroit touristique, le reste du temps nous campons, tant bien que mal... C'est donc ce premier soir où nous devons camper qui donnera le ton de nos futurs bivouacs. Nous sommes obligés d'attendre la tombée de la nuit pour que les agriculteurs finissent par sortir des champs et rentrer chez eux. Mais mon Dieu ! Comme ils sont nombreux et surtout... partout ! Le pays est très rural et les campagnes bien occupées par les locaux. Sans lumière et sans bruit, nous nous jetons dans un champs entre deux passages de scooters, complètement désespérés d'avoir attendu autant et d'avoir fait presque 20 KM de plus que prévu, à la recherche d'un terrain qui ne serait pas inondé (culture du riz oblige !). J'installe la tente, Alex cuisine. Faut être efficace et discret car si les locaux nous voient, ils appelleront la police pensant bien faire (ils s''inquiètent de nous savoir pommés au milieu de nulle part). Il fait noir et la lumière du réchaud à pétrole illumine les arbres et les herbes folles. On stresse grave mais on y arrive. On mange, on va se couche fissa et fatigués.
On ne dormira pas sur nos deux oreilles... la peur d'être découverts, le bruit des camions qui passent à quelques mètres de là (certains bossent plus tard que d'autres), bref, l'instinct de survie aux aguets. Le début d'une belle série de mauvaises nuits. On plie bagages aux aurores, ça tombe bien car le propriétaire du champs arrive de bonne heure et que, bien qu'il semble très sympa et curieux de nous voir, il n'est pas tant « rassuré » et sous couvert de nous aider, il nous escorte vers la sortie du champs. On petit-déjeunera ailleurs !
Nous atteignons Bagan en trois jours. Étape incontournable et étape clé de ce voyage !
Incontournable, pour sa plaine où sont dispersés par moins de 2000 temples millénaires. Nous y passons trois jours, dont un soir où nous plantons la tente en plein milieu. C'est si grand qu'il faut au moins ça pour avoir le temps de tout voir et de tout apprécier. Apprécier de errer parmi les vieilles pierres, au gré des chemins dans les champs et avec de la chance s'enthousiasmer au lever ou au coucher du soleil, toujours exceptionnels dans ce pays (cf climat et proximité avec l'équateur). Ce lieu est un must-see et pourtant nous ne croiserons que peu de touristes tellement il est immense. On arrive même à camper parmi les temples sans être repérés.
Clé, car nous rencontrons Mélanie et Joris (français) en vadrouille autour du monde. Ils ont commencé leur voyage par le sud du pays. Ils nous recommande alors d'aller sur la côte Ouest, dans l'état du Rakhine, pour apprécier une des plus belles plages du monde. Il ne nous en fallait pas plus pour organiser et modifier tout notre itinéraire. La perspective d'une journée de pause, au bord du l'océan nous réjouit. Bon techniquement, c'est pas l'océan c'est la baie du Bengale mais on va pas jouer sur les mots ! C'est la mer quoi... depuis le temps qu'on ne l'a pas vue !!
Le 14 novembre, nous quittons Bagan, sur-motivés ! Petit crochet par le Mont Popa, une excroissance au centre du pays, une petite montagne totalement détachée des autres massifs, en plein milieu de la plaine. Nous empruntons la route du Mingalaba ! Nous l'avons appelée comme cela car c'est certainement le jour où nous avons le plus souri et le plus répondu aux interpellations des locaux. Au bord de la route, ils attendent le bus... et nous gratifient de leurs plus beaux sourires et de leur enthousiasme. On s'applique à leur répondre. J'en ai mal aux zygomatiques. Merde, on les avait pas fait travailler autant depuis un moment ceux là... Ça fait du bien !
La montée au Popa est fantasque. Bien que la route que nous ayons choisie soit bonne, peu fréquentée et que la météo soit belle, nous suons comme pas possible dans les dernières côtes. 15% de pente ou plus... « Oh, les enfoirés... Ils ont pas fait ça pour les cyclistes ! » je m'exclame. Vraisemblablement pas pour les bus non plus ! Ha ha ! ils peinent autant que nous et sont obligés de prendre de l'élan. Contents d'arriver au pied du temple, en pleine hypoglycémie, on se récompense avec des sodas bien sucrés. Un groupe de quinqua français nous voient et vient nous saluer. Le monde est petit, deux d'entre eux sont de Veyrier, un village du bord du lac d'Annecy. On se surprend à prendre plus d'une heure à discuter avec eux, tout en sirotant d'autres sodas qu'ils nous offrent en guise de félicitations d'être arrivés jusque là. Tout comme nous, ils adorent la Birmanie. D'ailleurs, il est intéressant de noter que la plupart des étrangers que nous avons croisés sont français. Aurions-nous un penchant pour les destinations hors du commun où la culture et l'Histoire tiennent une place importante ?! Ça nous rappelle l'Iran, encore une fois.
Autour de nous, beaucoup d'agitation. C'est un peu la foire dans ce lieu saint... notamment à cause des singes ! Pas le temps de dire ouf, que l'un d'entre eux s'est emparé de ma bouteille de Coca-Cola et avale cul-sec ce qui restait dedans. Des singes, par centaines et sur-excités. Improbable mais compréhensible s'ils boivent autant de soda. Nous montons en haut du monastère par un très long escalier, franchement pas le plus beau qu'on ait vu (pour ne pas dire carrément moche... le monastère, pas l'escalier !). On tient bien notre sac et notre appareil-photo... nous sommes cernés par ces animaux au comportement grossier et pourtant si … humain. La première fois de nos vies que je vois des singes sauvages en liberté. Drôle d'impression mais pour le coup, j'en ai eu pour mon argent ; un vrai remake de la planète des singes.
Le voyage continue.
Nous pédalons le long des rizières qui s'étendent à perte de vue. Leur couleur, un vert presque fluo, contraste avec le ciel bleu et le soleil qui nous donne chaud. Les palmiers bordent les champs. Au bout d'un temps, cela pourrait paraître monotone mais c'est tellement exotique et apaisant ! On se rend compte au fur et à mesure que nulle part ailleurs nous n'avons pu observer la trace des charrettes, profondément ancrée dans le bas côté de la route ou encore nous émerveiller de voir les agriculteurs dans les champs, retourner la terre avec leur charrue tirée par des bœufs au petit jour. Hommes, femmes... Il y a du monde au boulot dans les champs. Pas de discrimination. C'est d'ailleurs aussi le cas pour le BTP ou la construction. On trouve assez souvent des femmes en train d'asphalter la route. On se dit d'ailleurs que de nombreuses routes sont sûrement très récentes. On a de la chance de pouvoir en profiter, ça devait être plus galère à vélo quelques années en arrière.
On avance ainsi dans la campagne à bonne allure. Mes genoux sont soulagés. On traverse des villages, on voit comment vivent les gens. La plupart ont des cases en bambou ou des maisons en bois sur pilotis. Tellement old school et si beau à voir. Ils se douchent dehors, enroulés dans un longi (celui-ci similaire à un futa marocain) en se versant de l'eau dessus à l'aide d'une petite bassine en plastique. Évidemment, nous avons conscience que s'ils vivent toujours comme cela aujourd'hui, c'est parce qu'ils sont très pauvres mais nous avons cette impression que les birmans se plaisent aussi à perpétrer les traditions et sans doute parmi eux, certains préfèrent cette sobriété à la modernité effrénée qui ronge son frein aux frontières du pays. Plus qu'un voyage à vélo, c'est un voyage dans le temps que nous faisons... On se croirait encore en 1900 !
En effet, hommes et femmes mâchent encore du bétel, comme au temps de Georges Orwell. Cette feuille repliée autour de la noix d'arec associée à un peu de chaux et autres substances qui donnent du goût et qui fait tellement de dégâts ! Ils la mastiquent comme du chewing-gum et crachent par terre des mollards rouges sanguinolents. Outre le fait que c'est dégueu' et, bien que cela reste moins polluant que la clope, c'est une mauvaise habitude dont le temps n'aura pas eu raison. La plupart des birmans ont donc les chicots rouges et complètement pourris. Nombre d'entre eux ont des cancers de la bouche, de la gorge et de l’œsophage... Bref, quand on sait que le système de santé birman est absolument inexistant (en 2014, seulement 2,3% du PIB consacré à la santé selon l'OMS), on a de la peine à constater cette dépendance qu'ils ont à la chique, à tout âge. Nous avons tout de même croisé quelques jeunes qui font exception car, ils nous l'ont dit, ils souhaitent garder de belles dents.
L'écrivain, dans son livre « Burmese days », avait également fait le constat rigolo que les hommes (qui sont très peu poilus) laissent toujours les poils qui leur poussent dans les grains de beauté. On croise ainsi des mecs avec des poils de 10 cm qui dépassent du seul mol qu'ils ont sur le visage. Amusant.
« Mais certaines choses ont du changer !» me direz-vous. Beaucoup de choses, oui !
A l'époque d'Orwell il n'y avait pas d'électricité. Pas non plus de voitures, de scooters et de motos sur les routes. Le progrès arrive mais parfois par complètement. On regrette que la législation ne soit pas plus stricte pour les conducteurs. Depuis le temps, il auraient pu commencer à acheter des voitures avec le volant du bon côté et à porter le casque sur leurs deux roues. Parce que malheureusement, oui... c'est ici que nous sommes les témoins d'un accident grave de la route, le premier depuis le début de ce voyage. Alors que nous passons par une petite route de campagne, nous trouvons des gens arrêtés, qui commencent à s'attrouper autour d'un jeune homme, à terre, la tête en sang, la bouche ouverte et le regard dans le vide... C'est dur de voir cela. Je suis sous le choc, mes jambes ralentissent. Nous passons notre chemin car les locaux sont déjà en train d'intervenir. « Nous ne pouvons rien faire de plus... » me chuchote Alex. Si toutefois il reste encore quelque chose à faire...
Ailleurs dans les campagnes, on découvre et on se réjouit à fond de voir que les enfants, eux, roulent à vélo. Des vélos par centaines sont garées devant les écoles. Voilà une nouvelle de meilleure augure. C'est canon, pourvu que ça dure !
« A l'époque d'Orwell... » je disais donc, on buvait déjà le thé dans des petits bars ou comptoirs. Oui mais voilà ; Moi qui fantasmais et me faisais une joie de retrouver le thé, le vrai, noir et infusé à point à l'anglaise... quelle ne fût pas ma surprise et mon désarroi quand je découvris le thé proposé dans les çai kane locales. D'abord, le thé n'est pas noir mais vert, infusé à la chinoise (trop longtemps avec petit goût d'herbe). Il est disponible de façon gratuite sur toutes les tables des bars et restaurants dans de grands thermos; un moyen de boire de l'eau qui a été bouillie et ainsi purifiée, pas bête. Ensuite, s'il y a du thé noir, il est seulement vendu en dosettes : de la poudre pré-mélangée avec du lait (ou un truc qui y ressemble) et... sucrée. Arghhh ! L'angoisse totale !!! Inutile d'essayer de trouver du café de substitution, il a subi le même sort et cette profanation s'appelle le « coffee mix ». Amis puristes, s'abstenir !
D'ailleurs, voilà une chose qui a bien changée depuis 1900, les produits emballés dans du plastique en portions individuelles et jetables. Café au lait, thé au lait, shampoing (qui sent le Dragibus, bon pour les cheveux, pas tellement pour les poissons), lessive … Ils sont partout ! On les trouve dans la moindre petite échoppe du village perdu au fin fond du pays… bref. La société de consommation se construit, sur les mêmes bonnes vieilles bases que chez nous et tous les travers qui vont avec.
Force est de constater qu'ici, au Myanmar, la pollution plastique est consternante. Elle nous horrifie et nous brise le cœur en même temps. A vélo, nous en sommes les témoins et c'est plutôt brutal. La société de consommation est bien arrivée jusqu'aux portes de cet « El Dorado », elle amené son lot de cochonneries mais aucune solution pour y faire face. Un ami cycliste, Mickaël, a visité le Myanmar plusieurs fois mais il y a bien des années, à l'époque où le « Coca-Cola n'était pas encore arrivé là-bas ». Quelle chance ! Je parie qu'il a pu acheter des mets locaux en bord de route, vendus dans de la feuille de bananier et pas sur-emballés dans du plastique.
Cependant, faut bien le dire, nous ne sommes pas mécontents de trouver quelques produits que nous connaissons, de pouvoir boire un coca frais dans un bar ou une bière pression ! C'était d'ailleurs un petit peu « l'éco-geste » d'Alex qui a mis un point d'honneur à ce qu'on s'arrête dans des guinguettes où la bière n'est pas en cannette ou en bouteille mais à la pression (bon et aussi « parce que c'est meilleur !»). Moment rafraîchissant de nos journées, la bière Myanmar (oui, c'est son nom !) en pression coupée avec un petit soda type Sprite (on obtient une « clara » à l'espagnole ou un « panaché » pour les français) était notre précieux moment de pause, qualitatif, désaltérant et bon pour la planète ! ,-)
Interlude bière mise à part et pour en revenir à nos moutons (ou plutôt, à nos déchets...), vous ne serez donc guère surpris si on vous dit qu'il n'y a pas de collecte des déchets à l'exception d'une poignée de villes. Pas de sensibilisation à trier ou ne serait-ce qu'à jeter dans des poubelles non plus, il n'y en a pas... Mais que font-ils de leurs déchets alors ? S'ils ne sont pas brûlés, ils sont entassés à un même endroit aux abords des villages... Et bien souvent, le vent les emporte et les essaime partout dans la campagne et dans les cours d'eau. Toutefois, nous avons pu constaté à plusieurs moments du voyage que le verre, le métal (et plus rarement les bouteilles en plastique) sont triés dans de petits « boui-boui », bien souvent tenus par des indiens (d'origine). Comme dans d'autres pays ou à une époque chez nous (les chiffonniers), ce sont souvent les gens le plus pauvres qui endossent ces métiers car ils ont bien compris qu'il y a tout de même du business à faire avec.
« Le plastique, c'est fantastique » scandait Elmer Food Beat... Dîtes-le aux animaux ! De nombreuses fois dans ce voyage et particulièrement ici (porte d'entrée vers l'exotisme de l'Asie du Sud-Est), on s'est quand même dit : « Si seulement on avait pu garder la bonne habitude d'utiliser des feuilles de bananes pour emballer les trucs... » ; Ça, au moins, ça disparaissait rapidement !
Tiens, en parlant feuilles de bananes... parlons exotisme ! Et non, je ne fais pas référence à la montagne de détritus qui jonchent les bords des routes de ce beau pays (dont cette fameuse petite boîte cylindrique et verte fluo que nous voyons tous les 5m et qui reste à ce moment là un vrai mystère !). Je veux parler des arbres que l'on admire au détour des routes qui nous emmènent vers la côte Ouest et dans l'état du Rakhine et, des fruits (exotiques, vous l'aurez compris) dont on se délecte enfin (!!). Nous voyons des palmiers à coco, des bananiers, des eucalyptus, des résineux, des bambous de toutes sortes et tailles. Les cases en bambous de villages de fortune jalonnent notre parcours dans les montagnes entre Pyay et Taungup. Nous sommes impressionnés par ces constructions faites de rien qui semblent si fragiles et qui sont pourtant si solides.
Nous avions prévu deux jours et demi pour retrouver la côte ouest, nous en mettrons un de plus. Et quelle épreuve ! Cela ne paraît rien quand on lit simplement le récit de cette expérience a posteriori mais nous vivons cela comme une véritable peine. Tout commence après avoir passé une drôle de soirée et de nuit à Pyay. Dans la ville, c'est la fiesta. Il y a des chars qui défilent, la musique hurle, nous mangeons sur la place du marché nocturne (comme les locaux) qui est installée au milieu d'un carrefour sur les rails du train (en fonctionnement ! Maman !) et notre hôtel est super miteux, un « hôtel de putes » comme plaisantent les copines à qui j'envoie des photos avec WhatsApp pour partager notre désarroi. Entre l'énorme blatte qui nous nargue dans la salle de bains, l'élevage de moustique dans la chasse d'eau, la climatisation qui fait un bruit de rotor d'hélicoptère... « elle était gratinée cette chambre d'hôtel » en rit Alex aujourd'hui. Nous partons le matin de bonne heure pour grimper dans la montagne. Nous sillonnons les crêtes des montagnes du Rhakine pendant deux jours sans jamais avoir la vue sur l'océan. Apercevoir au loin notre objectif serait suffisant pour nous motiver à vaincre les côtes invraisemblablement raides et la route en piètre état qui oscille entre bitume, nids de poules et gravier.
Cependant, c'est uniquement une mer de montagnes que nous apercevons. Argh. C'est dur... Le soleil cogne, mes genoux recommencent à faire mal à la mi-journée, on trouve assez d'eau pour se doucher mais comme d'habitude, c'est une galère pour trouver de quoi camper et en profiter pour s'arrêter tôt, se reposer et apprécier le coucher de soleil (dont les couleurs sont toujours incroyables en Birmanie).
Imaginez : « Ton défi, si tu l'acceptes, sera de camper sur une route suivant les crêtes » (Ndlr : la crête sous-entend que le terrain n'est pas plat et potentiellement escarpé à droite et à gauche parfois). Ajoutons à cela que nous sommes déjà épuisés par le manque de sommeil dont nous sommes victimes depuis le début du séjour (Ndlr : la complexité de camper dans un pays où c'est interdit). Voilà ! Un bon cocktail démoralisant alors qu'on se faisait une joie de venir explorer ce coin du pays. Fort heureusement, nous avons des bananes dans les sacoches et... de l'Ovaltine ! Nous relevons le défi et vous partageons la joie de deux grosses redécouvertes du voyage : d'abord, les bananes peuvent être vraiment (mais alors vraiment !) Dé-Li-Cieuses ! Il faut savoir les choisir mais aussi prendre des risques. Les bananes vertes au Myanmar sont en fait des bananes mures et ont le goût fantastique des bananes Haribo. Mouahahaha !! On botte en touche en revanche quand on voit la banane « losange ou triangle » (on l'appelait comme ça), c'est une petite banane farineuse et qui a du grain, tout juste bonne à faire fondre dans le porridge du matin. Ensuite, on a cédé à la tentation d'acheter des dosettes quand j'ai repéré celles de cette bonne vieille poudre de malt torréfiée enrichie en vitamines et minéraux, j'ai nommé l'Ovomaltine (Ndlr : en Asie du Sud-Est, la marque est appelée « Ovaltine » certainement pour faciliter la prononciation, elle garde le même pouvoir énergisant et le même goût qui me rappelle les matins des vacances au ski à Barèges #MadeleineDeProust!)
Bref, on a des produits dopants. Mais put*** qu'est-ce qu'on est fatigués ! Et histoire de bien nous achever, nous vivons l'expérience la plus improbable du voyage, la veille de notre arrivée à Ngapali. Nous nous jetons en courant dans un chemin qui mène à un champs de riz. Plus personne à cette heure là. On trouve un endroit à peu près plat et où les herbes sont courtes pour éviter les serpents. Alex cuisine à la lumière rouge de sa lampe frontale et j'installe la tente alors qu'il fait nuit. J'ai bien repéré la toile avec l'énorme araignée en son centre qui se tient à quelques mètres au-dessus de nos têtes. Brrr... on a connu plus sympa. Au petit jour, à 6h, je sens des éclaboussures sur mon visage. De l'eau ? Je ne comprends rien, j'ai la tête enfarinée et quand mes yeux sont assez ouverts pour regarder de plus près, je me rends bien compte que la toile de tente est trempée. De grosses gouttes tombent sur nous. « Put*** c'est quoi encore ce bord*** ?! », je lâche. La condensation ? A ce point là, c'est impossible, nous avons seulement mis la toile intérieur car il fait trop chaud sinon. Alors c'est la pluie mais pourtant il ne pleut pas ! Quoi alors ?! Alex comprend le premier et me lance avec l'air enjoué du chat de Cendrillon qui a découvert sous quelle tasse se cache la souris : « C'est le point de rosée ! ». Je suis déconcertée. Il enfile alors son costume de Jamie de « C'est pas sorcier » et m'explique. « Il y a un tel niveau d'humidité dans l'air (et un certain niveau de pression atmosphérique) que la simple baisse de température nocturne génère cette précipitation. Sous les arbres où nous sommes, il pleut sans nuages ». J'avoue qu'à ce moment là, je m'en bats l’œil avec une patte de gnou et décide de sortir (furax) de la tente.
Nous prenons la route, vers 6h45 ou 7h. Le calme règne. Certains paysans sont déjà dans les champs. Les couleurs du matin sont splendides. Il n'en faut pas plus pour m'apaiser. Nous faisons halte dans une guinguette de bord de route, bien décidés à faire le petit-déjeuner comme les locaux. Deux mixtures, une brioche sucrée et ça repart. Accoudés à ce comptoir, on observe le va-et-vient des locaux qui partent travailler. Ce petit bar-restaurant est le point de relais ou de covoiturage pour les habitants du village du coin. Une dame se tient dehors recroquevillée au soleil, elle porte une grosse veste mais elle grelotte. Il fait 20 degrés. Pour nous, en tee-shirts, il fait déjà bon. Une trentaine de kilomètres plus tard, nous nous arrêtons faire la pause de 10h, encore une fois avec les autochtones. On ne rate pas une occasion. Nous buvons le thé vert chinois accompagnés de petites crêpes frites que le restaurateur fait sur le moment. Pendant ce temps là, les habitués venus manger le même petit-déj' regardent la télé, une chaîne du câble qui passe des films en anglais sous-titré en birman.
A midi, nous atteignons enfin Ngapali, le PA-RA-DIS. Nous exultons ! Le soleil brille haut et fort, la plage est déserte et les cocotiers se balancent au grès du vent. On ne résiste pas à amener Georges pour une session photo sur le sable, la mer et les barques de pêcheurs en fond. Il fait bon, si bon. Peut-être que cet endroit nous paraît extraordinaire car nous venons de loin, au prix de durs efforts et que nous n'avons pas vu la mer depuis... plus de 6 mois (Turquie). Enfin quand même, et de façon très objective, cet endroit est paradisiaque.
Notre guesthouse est sympa et idéalement située à quelques centaines de mètres de là (18 $ par nuit en chambre double avec petit-déj). Nous faisons des aller-retours à la petite plage de derrière où quatre guinguettes en bois (des bicoques bien authentiques) se battent en duel. Quel bonheur !! Le plus gros des touristes va dans les quelques resorts situés sur la grande baie d'à côté. Nous nous sentons clairement « seuls » et privilégiés d'être là. 17H est l'heure de pointe où on voit un peu de monde dans l'eau, parcourir la plage ou se diriger vers les paillotes pour boire un cocktail avec vue sur le coucher de soleil. On ne se fera pas prier pour aller aussi en boire un (bien chargé) au Rhum local... puis un autre... bon et finalement on reste manger là ! On est pas bien là ? A notre plus grande surprise les prix des plats sont scandaleusement peu chers alors que nous avons les pieds dans le sable et la vue de rêve, le genre de truc qu'on « vend » à prix d'or sur nos côtes occidentales. Pour à peine 10€ à nous deux nous avons bu l'apéro, mangé un poisson frais entier cuit sur le grill avec une bière et nous rentrons le cœur léger et l’œil qui brille dans nos pénates. S'en est presque indécent. Ne boudant pas notre plaisir, nous décidons de rester trois jours sur cette plage de sable blanc au bord de l'océan. Cela nous laisse le temps d'aller au bout de la route où une autre baie abrite un village de pêcheurs sur pilotis. 7 km sur le tandem délaissé de son attirail habituel, c'est presque du gâteau.
Cependant, bien trop fatigués ou feignants (ou les deux!), nous ne marcherons pas jusqu'à la petite colline où un Bouddha géant et doré surplombe la vue. On préfère rester dans une petite paillote du port (d'où on aperçoit le Bouddha de loin) et boire un espresso « with a view ». Le moins cher du coin et dont les arômes nous paraissent exceptionnels, sûrement car cela fait bien longtemps qu'on en a pas bu un si bon (à Osh, Kirghizistan, il y a plus de 4 mois). Nous n'aurons pas l'occasion de voir l'arrivée des pêcheurs à 5h du matin, de retour du labeur. Non pas qu'on ne se soit pas levés ; Je vous entends d'ici ! En ce moment, c'est la pleine lune. Les pêcheurs ne sortent pas ou peu. Il paraît que le ballet de lanternes vertes sur la mer dans la nuit est magnifique et qu'après leur arrivée le matin, ils étendent le poisson à sécher partout. En revanche, nous verrons bien la procession de lanternes dans la ville, portée par tous les habitants. Les portails, clôtures et maisons s'illuminent de milliers de bougies et la musique traditionnelle retentis dans la ville. Émerveillement total !
La suite de nos péripéties en termes de bivouacs après le départ de Ngapali restera dans les anales. Vous vous demandez pourquoi ? Prenez le pop-corn, c'est parti pour le récit !
Dans un premier temps, le soir suivant, nous réussissons à dormir sur la plage. Trop dur de quitter l'océan, on joue les prolongations. Un bivouac avec la toile intérieure, sans les matelas et au bord de l'eau, c'est une première. Le réveil est MA-GI-QUE ! Alex part se rafraîchir dans son plus simple appareil. J'en fais autant mais j'en rajoute un peu car je n'ai pas bien le choix (on a perdu mon bas de maillot sur la route la veille) en courant nue sur la plage telle Pamela Anderson d'Alerte à Malibu, sans le maillot rouge mais avec au moins autant de classe.
Dans un second temps, nous faisons un échec dans la ville de Ngatainchao où nous espérions dormir dans un hôtel ou une guesthouse mais ici, personne n'est « habilité à recevoir les touristes étrangers ». Un couple de locaux tente alors de nous aider. Nous allons nous déclarer à la police locale qui refuse que nous restions et nous suggère la prochaine grande ville ; c'est trop tard et trop loin, le compteur indique déjà plus de 100 bornes. Le couple dont la femme parle très bien anglais (car elle a travaillé à Singapour plusieurs années) passe au plan B : demander le « droit » au maire, en sa qualité de « chef du village » il peut valider ou non notre présence. Verdict : le maire n'accepte pas que nous allions à l'hôtel mais il nous envoie au monastère en disant « on fera comme si on ne savait pas que vous étiez là ». « Comme si on ne savait pas... », comment ça ? Qui est « on » ? (D'ailleurs on ne dit pas que « on » est un con ? Haha...) Bref, « On » c'est la police nationale et les services de l'immigration. Comme la nuit tombe, le couple nous guide vers le monastère. Les moines ne sont pas très bavards mais ils ont le mérite d'être accueillants et efficaces. On nous installe dans une petite chambre sommaire avec des lits en baldaquin (mon rêve déco de toujours !) et un Bouddha taillé dans de la pierre précieuse (joli mais pas le truc que j'aurais épinglé sur mes tableaux Pinterest ! Hé hé). Le baldaquin n'a rien de décoratif, c'est pour la moustiquaire ! (Sûrement pour ça qu'ils étaient un peu cheap). On nous indique les toilettes et la salle d'eau. On se douche fissa. Le couple reviendra une heure plus tard avec un festin qu'ils nous offrent car nous n'avions pas eu le temps de nous arrêter pour acheter à manger. Nous tentons de les rembourser mais ils n'acceptent pas. Nous n'insistons pas, nous savons que cela ne sert à rien. Le lendemain avant de partir, nous faisons une donation au monastère, une manière de rendre un peu de la générosité que nous avons reçue.
Enfin, en route pour Bago, nous revivons l'échec de la guesthouse uniquement réservée aux locaux dans la ville de Danu Phyu.
15h, nous décidons d'économiser du temps et de prendre les petites routes, pour ce faire nous coupons en bateau le fleuve Irrawaddy. L'embarcation s'avère être une petite barque à moteur dans laquelle nous mettons le tandem et toutes nos affaires. Un couple et un enfant avec un scooter sont aussi de la partie. On se demande comment la barque va tenir et si nous allons couler. Le capitaine, qui n'est ni plus ni moins qu'un jeune d'une vingtaine d'années, a l'air confiant et nous amène à bon port. On vous passe la sortie et la remontée du vélo puis du scooter dans le raide talus terreux servant de berge. Là-bas, on nous regarde avec curiosité, les gens du coin n'ont sûrement jamais vu de touristes prendre la barque avec un tandem... ou de touristes, tout court.
15H30, nous continuons notre périple sur les petits chemins, notamment une ancienne voie de chemin de fer convertie en piste cyclable pour deux roues. La route est belle, on y croise plein d'écoliers à vélo qui rentrent chez eux. Nous zieutons les champs alentours, ils se prêtent bien au camping sauvage mais il y a encore beaucoup de monde. 16H30, on remarque un mec à scooter qui nous suit et bourdonne derrière nous, en gardant ses distances et sans jamais nous doubler. Un papi nous double et ralentit, se met à notre hauteur pour dégainer et me tendre une bouteille de soda qu'il avait dans la poche. Je ris encore de la scène, tellement c'était inattendu et bienveillant. On s'arrête à l'ombre d'une paillote car j'ai mal au ventre et surtout, on se dit que c'est l'occasion de forcer ce curieux qui nous suit à partir. Il s'arrête aussi. Et merde. Il s'adresse finalement à nous avec deux mots d'anglais en disant qu'il est de la police locale. « Where do you go? » il nous lance, comme beaucoup de gens nous demandent souvent. D'ailleurs, c'est quoi leur truc avec cette question ? Ils sont de la police tous ou quoi ? Bon lui, OK, c'est bien le cas. On sent le coup venir et qu'il ne va pas nous lâcher. On continue notre route. On s'arrête pour boire un coup et super papi is back!, il nous offre cette fois des vivres à manger qu'il vient d'acheter à la supérette. Trop sympa ! On continue la route. Le policier en civil passe quelques coups de fil en conduisant, on l'entend car il nous colle assez. Sérieusement, on ne fait pas du vélo sur les petites routes pour se retrouver avec le bruit du moteur d'un scooter dans les oreilles. Je rage. Au bout d'un moment, un autre scooter vient à sa rencontre, il s'arrête, lui parle et nous dit "au revoir", il baragouine un truc qu'on ne comprend que vaguement. Sa zone de contrôle semble s'arrêter ici.
17H, nous voilà enfin libres ! Et plus personne ne nous suit. On arrive au carrefour d'un blède, on prend la direction qui nous convient à la fourche où se trouvent quelques commerces, on salue super-papi qui est (encore!) là à discuter avec des gens, on passe notre chemin. Quelques minutes plus tard, super-papi nous double avec un signe de main.
17H20, un autre scooter commence à nous suivre. Même procédure, il se met à bonne distance et à notre allure. Alors là, on n'en revient pas. La nuit tombe. On se demande comment on va faire pour trouver un spot de camping si ça continue comme ça.
17h45, on sort d'un autre village et on poursuit notre route, la filature semble être terminée car le type sur son scooter a fait demi-tour. On sort de sa zone de surveillance. Pourvu qu'on puisse continuer tranquilles. On s'arrête pour regarder un lieu à la lueur de nos frontales, un petit espace au bord de la route qu'on avait préalablement repéré sur Google Maps en street view. Pas le temps de dire ouf, voilà que deux gars viennent nous chercher. Ils s'arrêtent et nous lance un truc du genre « on est la police, il ne faut pas rester là, vous devez aller à la prochaine ville. On vous suit pour votre sécurité ». Nous voilà bien.
18H10, nous arrivons à un croisement et le scooter s'arrête dans une guinguette sans plus de formalités. En voilà une drôle d'escorte, la police c'est plus ce que c'était ! Nous poursuivons tout droit, espérant secrètement aller camper sur la pelouse d'un hôtel vraisemblablement désaffecté, un peu plus loin. On croise un scooter qui fait demi-tour juste après nous avoir vu. Il se met à notre vitesse à quelques mètres derrière et nous suit. Rebelote !! Quoi ? La filature qui continue ?? Mais sérieusement, jusqu'à où comme ça ??? Alex prend la mouche et s'arrête. Le scooter s'arrête et éteint ses phares. La blague. On se croirait dans un film, une petite production locale avec faible budget pour le coup. « Oh!!! What do you think you are doing? We saw you!... come here!! » il leur braille dessus. Les deux jeunes sur le scooter s'approchent. Ils parlent peu anglais mais ils nous comprennent. « We are police! ». Oui, ça on avait compris. Ils ont à peine 25 ans. On explique qu'on veut continuer jusqu'à l'hôtel. On se rend compte en leur montrant la carte qu'on a dépassé l'embranchement. Ils nous disent que l'hôtel est fermé et que le prochain est à 20 miles, qu'ils vont nous escorter « pour notre sécurité ».
18H30, il fait nuit noire, on poursuit. On discute entre nous de la conduite à tenir. Ils sont plutôt sympas mais on ira pas jusqu'à la ville, elle est loin, il fait nuit, la route pour y aller emprunte la grosse nationale, on a fait plus de 120 KM maintenant, on est fatigués physiquement et psychologiquement. On tente la carte de la nuit au monastère. On aperçoit les lumières d'une pagode, il y a tellement de LEDs qu'on dirait un sapin de Noël. Après moultes parlementions, coups de téléphones et plusieurs autres scooters de la police locale qui débarquent, nous obtenons un « OK, go to the monastery » d'un des jeunes policiers (tous super jeunes !) mais tout cela à l'air confus. Nous allons toquer à la porte des moines. Pas de surprise, on nous accueille à bras ouverts.
A 19h30, nous nous installons dans la petite salle qui nous a été proposée par les gens du monastère sous l’œil bienveillant d'un jeune moine. Nous pouvons nous doucher et nous discutons avec nos hôtes, que des hommes, qui vivent là on ne sait pas bien pourquoi. On dirait une petite communauté, tous très sympas.
20H, nous partons nous coucher avec le sentiment que c'était une folle soirée qu'on gardera dans les mémoires et avec l'impression que ce n'est pas fini.
20H20, on entend une voiture freiner et manœuvrer, un brouhaha lointain et la porte en métal (ouverte) de notre salle de dortoir est secouée. « Police, open the door! », nous lance quelqu'un. « Allez, c'est parti ! » dit Alex à voix basse et ajoute à voix haute « the door is opened! », banane ! Et nous voilà encerclés par une dizaine de personnes, debout autour de nous qui sommes assis par terre, prêts à nous faire passer un interrogatoire ; une vraie scène de film policier, il y a même un mec un peu badaud qui nous filme (sûrement pour poster sur les réseaux sociaux après coup) mais je le stoppe tout net. Un interprète est présent pour faire les traductions. Ce sont les services de l'immigration. On nous demande nos passeports. Ils galèrent comme d'habitude à comprendre qu'est-ce qui est quoi et où est le tampon d'entrée dans le pays. On nous explique que notre visa ne nous autorise pas à dormir ici (La blague ! Aucun visa n'autorise ça de toutes façons). Nous n'avons pas l'autorisation de rester ici et cela « pour notre propre sécurité ». Nous devons aller à l'hôtel. On explique notre situation, pourquoi nous sommes là (au lieu d'être à la guesthouse que nous avions prévue initialement) et que nous sommes parfaitement en sécurité ici. Rien à faire. Les touristes vont à l'hôtel, c'est comme ça et puis voilà. Autant vous dire que nous n'avons aucune envie de remonter sur le vélo et de parcourir les 20KM de détour menant à l'hôtel (qui sera sûrement cher... piège à touristes). Qu'à cela ne tienne, ils nous envoient une voiture assez grande pour y mettre le tandem et nous conduire là-bas !
20H50, le 4x4 est là. Un jeune officier de l'armée, la trentaine et en jean slim, nous accueille avec un grand sourire et sur-excité (il a du boire un peu trop de Redbull pour rester éveiller pour cette mission) « So! Where do you want to go? ». On est dubitatifs quand il pose la question. Dans l'absolu, s'il pouvait nous amener à Bago (notre objectif à 100 KM de là) on serait contents. Cependant nous savons qu'en réalité, nous n'avons pas le choix, on nous a déjà donné l'adresse du seul hôtel « proche » auquel nous devons nous rendre.
21H15, nous arrivons à Okkan après un voyage épique dans ce 4x4 où le chauffeur « expérimenté » (nous rassure-t-on) roule comme un fou. Quand notre jeune ami militaire nous explique que nous ne sommes pas en sécurité au milieu de la campagne, qu'il y a des « ennemis partout et là où on les attend le moins », que c'est donc mieux pour nous d'aller à l'hôtel et qu'il a le devoir de nous protéger (« this is my duty! » avec un air sérieux)... Nous plaisantons en lui disant qu'on était plus en sécurité au monastère que dans cette voiture infernale !
Il faudra bien 30 minutes de parlementions avec les deux gamins de la réception de nuit pour obtenir une pauvre réduction sur le prix de la chambre totalement scandaleux au regard de l'état de l'établissement. Notre ami militaire ne nous laisse pas, il nous aide même à négocier et on fini par accepter le prix proposé pour éviter de lui faire perdre patience et que cela tourne court. On ne voudrait pas finir en cellule, ha ha !
Ce matin du 28 novembre, on déjeune en terrasse de l'hôtel Okkan, au soleil et dans le brouhaha de la circulation déjà bien dense. On se refait l'épisode de la veille en riant et en se disant que c'était complètement sur-réaliste. Nous quittons l'hôtel, avec un dernier regard amusé vers le cheval empaillé qui orne l'entrée du bâtiment. Oui, oui, vous avez bien lu, un vrai cheval, empaillé... sans oublier aucun attribut physique ! On reprend la route, aujourd'hui est un autre jour. Cette aventure militaire nous rappelle que le pays est encore très fermé et très marqué par la dictature militaire d'il y a quelques décennies en arrière. C'était d'ailleurs pour nous un choc de voir dans des petits villages des enfants jouer avec des armes factices, extrêmement ressemblantes à de vraies armes. Dans un pays si souriant, d'apparence si chaleureuse et accueillante et marqué par son passé, pourquoi donner des armes en plastique en guise de jouets aux enfants ?
Au détour de la plaine, nous apercevons encore dans les champs, ces vaches (ou ces bœufs) si particuliers au pays. Beiges ou cendrées, elles ont une bosse sur le haut du dos, de la peau qui pend sous le cou formant une sorte de dentelle et une magnifique cloche en bois dont le son résonne de façon douce, sûrement bien moins abrutissant que les cloches que nous connaissons. Elles nous fascinent. Ici, on en fait pas de la viande vu comme elles sont maigres mais elles sont puissantes. Elles retournent les champs, elles tractent les charrettes de riz une fois qu'il a séché sur le bord de la route et j'en passe.
On découvre d'ailleurs au hasard de nos pérégrinations une petite usine qui traite le riz et lui enlève sa cosse pour lui donner sa forme finale. On avait jamais vu ça ! On nous autorise à faire une visite. Les propriétaires sont super enthousiastes à l'idée de nous faire visiter le lieu sans plus de formalités. Cela aurait sûrement été plus compliqué par chez nous avec toutes les normes de d'hygiène et de sécurité. Je peux vous dire que cette usine n'était certainement pas ISO 9001 mais elle valait le détour. Des montagnes de cosses s'amoncellent autour de chaque usine, un déchet organique qui n'est pas valorisé. Si seulement cette matière était utilisée comme sciure pour toilettes sèches dans tout le pays...
Ahhh le riz du Myanmar, si délicieux ! Cela fait partie des bons souvenirs que nous garderons de la gastronomie locale. Ils ont cette manière de présenter un repas, assez originale. Très souvent, une assiette de riz qui vient accompagnée de plusieurs petites assiettes (comme des échantillons) de préparations à base de légumes ou de viande ainsi que d'un bol de soupe et d'une assiette à café de piment aux anchois. C'était toujours plutôt bon, peu cher (1€) et copieux pour nous autres cyclistes, le riz est l'aliment n°1. Notre plat favoris, clairement l'un des « best » du voyage, restera à jamais le « Lé Pé Thok » : la salade de feuilles de thé épicée.
Notre combat contre le plastique aura été une lutte dans ce pays. Nous réutilisons nos sacs en plastiques encore et encore... Nos bouteilles aussi. D'ailleurs, on a pas bien le choix puisque l'eau est vendu en bouteilles de 1L dans tous les magasins et que nous avons besoin de 1,5L pour rentrer dans nos porte-bouteilles. Autant vous dire qu'au bout de 3 semaines, on a été obligés de laver les bouteilles avec des pastilles de Micropur (sorte de chlore qui permet de purifier l'eau pour la boire quand on ne peut pas la filtrer) car de jolies algues vertes s'étaient développées dans le fond. Mais voilà, on fait notre record de temps d'utilisation des bouteilles en PET (du PET chinois, de la bonne came !) et par la même une bonne action pour la planète. Par ailleurs, la question de l'eau en Birmanie est finalement moins compliquée que nous le pensions. Quand on pédale, on veille à ne jamais en manquer. Surtout quand on sue à fond par de telles températures. Il y a de l'eau dans ce pays, ce n'est pas de l'eau de source mais on trouve de l'eau en bouteilles à peu près partout (villes et villages). Pour les gens comme nous qui réutilisons les bouteilles, on recharge à partir de grosse bonbonnes d'eau de 20L disponibles dans beaucoup de commerces et de magasins voire même directement à la station de filtration (+ traitement UV) ou plusieurs fois ils nous l'ont offerte. Dans de nombreux chemins ou routes éloignées de la « civilisation », nous avons également trouvé des jarres (poteries) remplies d'eau, à l'ombre de petites paillotes. A défaut de sources... de l'eau purifiée. Quid : reste-t-il quelque chose là-dedans ? Il n'y a sûrement plus de minéraux. J'étais donc bien contente d'avoir acheté des pilules à la spiruline des lacs de montagnes du Myanmar à notre arrivée à Mandalay. Faire le plein de vitamines et cie, pour me donner un coup de fouet ; la Chine m'avait laissée raplapla.
Heureusement, c'est la cure de soleil ici !!! Record de 26 jours consécutifs de beau temps ! Une seule nuit de pluie au pied du Popa qui nous aura valu un réveil en catastrophe au milieu de la nuit pour mettre la toile extérieure de la tente. Bref, c'est incroyable ! Le mois parfait pour s'y balader puisque la saison des pluies est terminée mais la saison chaude commence à peine.
Nous sommes le 29 novembre, nous arrivons à Kyalkto et venons de dépasser les 13 000 KM ! Nous fêtons cela sur la route. Le panaché des 13 000 ! Encore lui, hihihi. Le lendemain, nous visitons ce lieu « saint », haut-lieu du bouddhisme birman. Le voyage jusqu'en haut de la montagne est épique. Nous ne le faisons pas à vélo, c'est interdit et on comprend pourquoi. Grand dieu! Embarqués à l'arrière de la benne d'un semi, aménagée avec des banquettes pour l'occasion, nous voilà 42 personnes (7 rangées de 6), entassées et prêtes à gravir les 900m qui nous séparent du monastère du Rocher d'Or. Il y a des virages mais la raideur des côtes donne quand même le haut-le-cœur . On se croirait dans Space Mountains haha ! On se marre bien. On rigole moins quand le vigile de l'entrée nous demande de payer 10 000 Kyats chacun pour rentrer visiter le lieu. Juste nous les étrangers, les locaux eux peuvent passer sans payer. On a un petit sentiment d'injustice et de révolte qu'on calme en passant à la pauvreté du pays. On est contents de contribuer, on espère juste que ça ne va pas direct dans la poche d'un ministère corrompu.
Notre plus grand choc à l'arriver dans le « monastère » est d'observer : 1) le vacarme ambiant et 2) qu'il n'y a pas plus de respect en matière de gestion des déchets ici qu'ailleurs. C'était le cas du Mont Popa, où les singes jouaient avec des bouts de machins en plastique, c'est le cas ici aussi. « Quelle honte ! », je dis à demi-mot en voyant le tas de saloperies entassées derrière un muret, à flanc de falaise, d'où nous observons la vue époustouflante du haut de nos 1000m d'altitude. Il est vrai que dans nos lieux saints et/ou culturels en Europe, on n'imagine pas voir autant de bazar (bruit et saleté) mais il m'apparaît que le bouddhisme est bien une religion singulière et plus vivante que notre bon vieux catholicisme. Les temples grouillent de monde, les gens parlent (fort), se prosternent, font des selfies (avec ou sans Bouddha), les enfants courent partout... Bref, la foi est bien vivante ici ! On pourrait débattre sur la question : Bouddhisme, religion ou philosophie ? Mais ce n'est pas vraiment le propos ici donc je m'excuse d'avance de faire le raccourci et d'utiliser le terme « religion » pour le caractériser.
Le rocher d'Or n'en reste pas moins un site exceptionnel à aller voir. Une stuppa dorée en équilibre sur un rocher doré, lui-même en équilibre sur un gros roc, le tout à 1000m d'altitude et sans rien autour qui puisse expliquer que ces rochers soit là. Ça rend le truc un peu mystique faut bien l'avouer. L'histoire dit aussi qu'il y a un cheveu de Bouddha caché là-dessous et que grâce à celui-ci, le miracle géologique opère. Allez savoir. En tout cas, c'est beau !
01 décembre. Déjà ! Au fil des routes qui nous ramènent de plus en plus vers l'Est, nous continuons d'apprécier de pédaler même si la chaleur est écrasante. Elles sont finalement peu fréquentées (selon l'itinéraire choisi) et les conducteurs que nous croisons sont plutôt prudents. On ne nous avait pas dit du bien de la conduite birmane. Volant à droite, conduite à droite... cela ne fait pas bon ménage ! L'histoire raconte que Ne Win, général au pouvoir qui a instauré la dictature militaire de la junte, était un peu superstitieux. Voyant le pays pencher à gauche, il avait demandé conseil à sa voyante. Pour ré équilibrer tout ça, il avait changé le sens de la conduite du jour au lendemain, passant de gauche à droite, faisant peu cas des risques et dangers que cela peut occasionner. (plus d'infos lire l'article ici.) Voilà une des choses étonnantes de la route au Myanmar.
Tout aussi étonnante que la quantité de chiens que nous avons croisée. Que les cyclistes se rassurent, on a jamais vu plus cool que le chien birman ! S'il ne détale pas en nous voyant, il dort avachis sur la route ou le bord de la route, calme et serein. Pas d'agressivité, pas envie de nous courser. Des bouddhistes ré incarnés ou simplement la chaleur écrasante qui les abrutit en journée ?!
Nous observons avec amusement les milliers de libellules qui volent à nos côtés. Leur trajectoire est très approximative. « May-day, May-day! » je double en voix off. Il en va de même pour les cigognes : « Ici Cigogne 747. Demande autorisation d'atterrir. Nous amorçons la descente. Attention ! Sortie du train d'atterrissage. Viouuuummmm... ». Hahaha, on ne s'ennuie pas à vélo ! Je me moque gentiment d'Alex qui voudrait immortaliser d'une photo, cette rizière full cigognes mais ces dernières s'envolent toutes effrayées par le son de nos freins à disques. Loupé !
Cela restera juste dans nos mémoires. Nous faisons halte à Mawlamyine pour une après-midi et une soirée. Ancienne ville coloniale, elle a gardé quelques traits de l'architecture du début du siècle dernier et de nombreuses églises. C'est l'endroit où nous verrons le plus d'Indiens (les colons anglais ont amené les Indiens à l'époque). Nous buvons un verre au coucher du soleil. Encore des lumières exceptionnelles. Nous dégustons un excellent poisson dans un restaurant de bord de mer qui donne une partie de ses profits pour aider les personnes âgées. Nous gardons de cette ville un excellent souvenir, notamment l'ambiance calme en haut de la pagode qui surplombe la ville. Un vrai moment de paix.
Ces derniers jours au Myanmar auront été marqués par la traversée de plantations de caoutchouc sur des centaines de kilomètres à vélo, probablement des milliers d'hectares. Le business doit être un peu lucratif. Nous aurons la chance de rencontrer Susu, jeune birmane qui habite un village 50 KM avant la frontière avec la Thaïlande. A défaut de pouvoir nous héberger en Warmshowers, elle nous invite à un dîner qui sera riche en apprentissage sur la culture du pays, nous avons comme d'habitude beaucoup de questions restées sans réponse. Les birmans n'ont pas le droit d'accueillir les étrangers chez eux. Nous regrettons beaucoup que ce soit comme ça, nous aurions sûrement vécus de bons moments et de beaux échanges autrement.
Parce que le Myanmar c'est beau mais c'est aussi un pays plein d'interdictions où les touristes sont encore bien fliqués. Il reste donc énormément de choses à découvrir dans ce merveilleux pays et le vélo est sans aucun doute l'un des meilleurs moyens de vivre l'expérience de façon plus libre et plus intensément. Après un dernier rude col d'où nous observons la vue sur un pays ensoleillé, aux couleurs chatoyantes, nous continuons vers la Thaïlande. Nous le savons au fond de nous...
Nous reviendrons !
Plus de photos, ici !
Pour approcher la contre-verse autour du bouddhisme dans le pays, un article intéressant ici
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